EDITO : Le sacrilège du Temple

Ce qui devait être une auguste Assemblée nationale devient de plus en plus un théâtre désolant où les représentants du peuple, surtout ceux de la majorité, ainsi que le Speaker se donnent, à cœur joie, en spectacle de mauvais goût. Les Mauriciens s’étaient déjà familiarisés avec le style caverneux et outrageux dont les affaires sont présidées au sein de l’hémicycle. Les séances sont ponctuées des « I order you out », des suspensions injustifiées et antidémocratiques des élus de l’opposition et des exercices de « barre goal » en faveur des parlementaires de la majorité alors que les coups bas de ces derniers à l’égard de leurs opposants politiques sont devenus légions. Mais il y a pire.

Après le fameux épisode de sextos dans l’enceinte du Parlement, des jurons y sont maintenant proférés sans aucune gêne apparente. Qu’ils aient été balancés par la ministre Kalpana Koonjoo-Shah ou pas, c’est clairement une voix féminine qu’on entend sur la vidéo de la ‘Parliament TV’. Qui est cette élue, censée représenter la jeune génération de politiciens, qui s’est permise de se comporter comme une poissonnière dans notre désormais semblant du Temple de la démocratie ? Qu’une enquête ait été initiée pour déterminer l’auteure de ces vulgarités, soit. Mais encore faut-il que ce ne soit pas qu’une banale tactique pour apaiser la situation jusqu’à ce que cet épisode ne tombe dans l’oubli.

On comprend mal pourquoi le Speaker doit attendre le rapport d’une enquête policière sur une vidéo manipulée circulant sur les réseaux sociaux avant qu’il ne puisse trancher et sanctionner. Il n’a qu’à s’en tenir aux images du ‘Parliament TV’ et des caméras installées dans l’enceinte de l’hémicycle pour tirer ses propres conclusions. À moins que celles-ci ne soient embarrassantes pour le gouvernement. D’où la nécessité de retarder l’échéance. Ce qui ne devrait pas nous étonner, la partialité légendaire du Speaker étant connue de tous. N’en a-t-il pas fait de nouveau preuve lors des récents débats parlementaires sur la « Mental Health Bill » en permettant que Tania Diolle se livre à des attaques contre les membres de l’opposition au lieu de se concentrer sur le projet de loi alors que les intervenants de l’opposition étaient, eux, systématiquement interrompus, comme Shakeel Mohamed l’a été durant son intervention sur la ‘Supplementary Appropriation Bill (2020-2021)’ et qui faisait visiblement mal ?

Ce que nous avions dit dans un précédent éditorial en date du 1er mars 2020 tient toujours la route un peu plus d’un an plus tard : « Le caractère sacré du Temple de la démocratie a été crapuleusement violé […] En cause : un seul homme ». Cet homme, c’est le Speaker, car il n’a pu faire preuve d’objectivité et d’impartialité dans sa conduite des affaires du Parlement. Ce qui a mené invariablement à un sacrilège du Temple de la démocratie.