[EDITO] Politique répressive

Vivons-nous toujours dans un État de droit ? Maurice s’est-il transformé en un État policier, ou pire un État voyou ? Toute illusion de démocratie s’écroule comme un château de cartes du moment qu’un ordre d’injonction de la Cour suprême est sciemment ignoré par la police. Un ‘contempt of court’ flagrant qui éclabousse outrageusement notre police transformée, avec la bénédiction du PMO, en un outil répressif et anticonstitutionnel. Cette fois-ci, dénonçons-le haut et fort, cette institution indépendante qu’est censée être la police, a dépassé toutes les bornes, allant bien au-delà des reproches de persécution ou de méthodes musclées qui lui sont généralement faites. Cette police, totalement soumise aux diktats des dirigeants du jour, avait déjà démontré sa servilité répugnante quand l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam avait été arrêté en février 2015 pour des délits allégués qui ont par la suite été, les uns après les autres, rayés en cour.

Que ce soit sous la houlette de Nobin, Servansing ou Dip, cet asservissement n’a pas changé d’un iota, attestant que c’est l’Hôtel du gouvernement qui détient les leviers de commande des Casernes centrales. Imaginez donc jusqu’où cette police, dictée par le pouvoir actuel, peut aller pour accommoder les caprices de ce dernier. D’ailleurs, il faut vraiment que l’avocat et président du Bar Council, Yatin Varma, jugé proche du MSM après son expulsion du PTr, ait été poussé à bout pour qu’il exprime ainsi sa révolte contre la police et le Premier ministre lui-même. Mais n’attendons surtout pas à ce que les choses s’arrangent. Au contraire, elles se détérioreront au fur et à mesure que les élections approchent. Parce que Pravind Jugnauth n’entend pas, ne voit pas, et ne fait qu’à sa tête.

Le chef du gouvernement croit qu’en instaurant un climat de terreur, il pourra diriger en toute quiétude. Il oublie que la hargne et la vengeance politique ont un prix. Le gouvernement ne jure d’ailleurs que par le gain financier et la vengeance politique, quitte à ruiner notre économie et notre pays. C’est sans doute pour cela qu’après avoir scandaleusement détruit le BAI, le gouvernement s’acharne maintenant contre le ‘Mauritius Turf Club’ (MTC), jusqu’au point de forcer la municipalité de Port-Louis d’agir de façon unilatérale et illégale en reprenant la piste du Champ-de-Mars, mettant ainsi une fin brutale au plus vieil hippodrome de l’hémisphère sud. C’est tout un chapitre, long de 210 ans, de notre histoire qui se clôt.

Pourquoi ? Parce qu’il faut probablement privilégier un certain bailleur de fonds du MSM, un parrain patenté du ‘gambling’ qui s’autoproclame conseiller au PMO. Cette affaire révèle, une fois de plus, la machinerie savamment orchestrée et déployée par le pouvoir pour d’une part, remplir les poches de ses proches, comme dans le cas des acquisitions faites sous « emergency procurement », et d’autre, pour nuire aux opposants du régime, comme dans les cas de BAI et de Betamax. Pendant sept ans et demi, le gouvernement du MSM n’a fait primo, que se venger et détruire ce que d’autres ont mis des années et des années à construire et secundo, dilapider les caisses de l’État. Raison pour laquelle nous rions jaune quand Pravind Jugnauth ose prétendre qu’il ne peut suspendre temporairement les projets non-prioritaires parce qu’il faut ensuite payer des dommages. Venant d’un Premier ministre qui a systématiquement toléré et soutiré les gaspillages de fonds publics, cela a de quoi nous écœurer, surtout quand il est question de soutien aux familles en détresse suivant la hausse du coût de la vie.

Le peuple ne fait que tout encaisser jusqu’à maintenant. Mais pas pour longtemps. Une révolte sociale, tel le printemps arabe, n’est pas loin. Les émeutes de la semaine dernière sont symptomatiques de cette crise profonde. C’est d’ailleurs sous la pression populaire et celle de l’opposition que le gouvernement a finalement cédé en annonçant, vendredi soir, des subsides sur certaines commodités. Cette pression ne fera qu’accentuer dans les jours et les mois qui viennent. Déjà, les avocats ont donné le ton : ils vont descendre dans la rue pour protester contre l’accaparement des pouvoirs du judiciaire par l’exécutif. Un peu comme les médecins du secteur public l’ont fait au Sri Lanka pour protester contre la pénurie de médicaments. Et dire que le Premier ministre refuse toujours de voir les ressemblances frappantes entre la crise que nous connaissons avec celle de Sri Lanka.