[EDITO] Retour de manivelle

Que voulait Pravind Jugnauth démontrer en brandissant le casefile d’Eshan Juman à l’Assemblée nationale, mardi dernier ? Sa tentative grossière et déplacée de démontrer une quelconque complicité entre le bureau du DPP et le PTr a tourné en eau de boudin. La réplique du bureau de Me. Rashid Ahmine a été cinglante, sans équivoque, en renversant, dans la même foulée, la table sur le Premier ministre, non seulement pour ses insinuations faites sous l’immunité parlementaire, mais aussi pour avoir en sa possession le casefile en question. Dans sa hargne désespérée contre ses opposants politiques et l’institution respectée qu’est le bureau du DPP, le Premier ministre a creusé sa propre tombe. Il a donné la preuve qu’il tire les ficelles de la police. Il a confirmé que le principe de séparation des pouvoirs est inexistant pour lui. Il a déclenché la perception qu’il n’est pas impossible pour lui d’avoir accès à d’autres casefiles. Ce qui nous pousse inévitablement à penser aux dossiers de Yogida Sawmynaden et l’affaire Kistnen pour ne citer que ceux-là.

Si Pravind Jugnauth a une si grande influence sur la police, au point de l’afficher publiquement, imaginez maintenant ce qu’il sera capable de faire si les pouvoirs du DPP sont conférés à celui qu’il nommera à la tête de la ‘Financial Crimes Commission’ (FCC). Le risque qu’il impose et qu’il dicte sa propre loi est réelle. Il fera ce que bon lui semble quand bon lui chante. S’il a pu pousser l’ICAC à changer de position dans l’affaire Medpoint, ce ne sera pour Pravind Jugnauth qu’un jeu d’enfant pour mener la FCC à la baguette pour parvenir à ses fins. Nul besoin d’être sorcier d’ailleurs pour savoir que c’est Navin Ramgoolam qu’il vise. Avec la nouvelle loi, une fois que celle-ci sera votée, il pourra, à travers son nominé politique, l’espionner à sa guise, probablement avec les appareils acquis par le PMO auprès d’une compagnie israélienne, le faire arrêter et le détenir pour une période indéterminée, en abusant du système des charges provisoires. Il pourra, bref, lui rendre la vie infernale avec le seul et unique but de jeter à terre son seul et unique challenger juste avant les prochaines élections générales, dont Pravind Jugnauth seul connait la date.

Mais Pravind Jugnauth peut planifier autant qu’il veut, c’est finalement l’électorat qui aura le dernier mot. L’histoire se souviendra d’ailleurs que Cehl Meeah avait pu se faire élire comme conseiller municipal en 2000 alors qu’il était en prison, sans qu’il ne fasse campagne sur le terrain. Preuve que même dans le pire des cas, c’est la population qui rendra son verdict. Surtout quand son porte-monnaie est en souffrance. Quand ses libertés sont menacées. Quand l’éducation et l’avenir de ses enfants sont compromis. Quand la drogue et la criminalité sont en hausse. Quand la méritocratie et la bonne gouvernance sont inexistantes. Quand les petits copains sont protégés alors qu’on prétend mener une guerre contre la fraude et la corruption. Ainsi, Pravind Jugnauth devra se méfier du retour de manivelle s’il persiste avec sa décision d’aller de l’avant avec la FFC sous sa forme actuelle…