Enquêtes de l’ICAC sur les proches du gouvernement

Que la lumière soit !

La commission anti-corruption mérite qu’on s’y attarde. L’institution sise à Moka est responsable de la lutte contre toutes les formes de corruption et de pratiques douteuses. Cependant, dans l’esprit du public mauricien, l’ICAC laisse subsister des doutes quant à son objectivité et à son impartialité, un état de choses mis en exergue par l’opposition parlementaire et extraparlementaire. Plus les jours passent, plus c’est difficile de croire dans la capacité de l’ICAC de mener à bien une enquête sans une quelconque ingérence de la part des politiciens qui sont aujourd’hui en position de pouvoir.  Sudhir Sesungkur, Youshreen Choomka, Vijaya Sumputh… ce ne sont là que quelques exemples des proches du gouvernement qui sont impliqués dans des enquêtes dont les conclusions sont éternellement en attente. Quelles sont ces enquêtes de la commission anti-corruption qui visent ces proches du pouvoir… ?

Marwan Dawood

L’ICAC, sous l’ère Jugnauth post-2014, a connu un mauvais départ avec la nomination de Navin Bheekary à la tête de la commission. Depuis, plusieurs proches du pouvoir ont été à tour de rôle rapportés à l’ICAC mais les enquêtes piétinent. Il se peut qu’une enquête prenne des années avant son aboutissement, bien que des enquêtes puissent être d’une importance capitale, comme l’affaire Bet365.

Portée à la connaissance du public fin 2017, l’affaire Bet365, qui avait vu l’Attorney General d’alors, Ravi Yerrigadoo, perdre son siège, avait été référée à l’ICAC. Pourtant, depuis 2017, très peu de développements ont survenu dans cette affaire. Selon nos informations, l’enquête de l’ICAC serait en attente puisque les enquêteurs attendent plusieurs documents relatifs à cette affaire.

Youshreen Choomka : la double enquête

En 2016, la commission anticorruption ouvre une enquête quand Youshreen Choomka est nommée comme directrice générale de l’Independent Broadcasting Authority (IBA). Elle était la présidente de cet organisme public lorsque l’appel à candidatures avait été lancé. En acceptant ce poste, son salaire a triplé. Cette avocate est aussi proche du MSM.

Par ailleurs, l’ICAC devrait également déterminer si l’ancienne directrice de l’IBA a utilisé sa position pour agir comme intermédiaire auprès des investisseurs étrangers, dont le Coréen Soo Song Lee et le Ghanéen Jerry Brassfield dans le projet d’aménagement d’une ferme éolienne. Ce n’est que le 27 mars 2018 que Pravind Jugnauth avait annoncé au Parlement que le rapport du Fact-Finding Committee présidé par Prameeta Devi Rasheela Goordyal-Chittoo avait été soumis à l’ICAC pour une enquête approfondie dans cette affaire. Près d’un an après, les interrogatoires n’ont rien donné jusqu’ici.

Sudhir Sesungkur en attente

Le ministre de la Bonne gouvernance n’a pas connu un début de carrière ministériel de tout repos.  Successivement, il a été cité dans plusieurs anomalies. L’une de ces affaires a même été l’objet d’une plainte à l’ICAC. Il faut ainsi remonter à 2017 lorsque Jeetendrasingh Seedhyan, accompagné de son homme de loi, avait porté plainte à l’ICAC contre le ministre Sesungkur. Ce dernier est accusé de « using office for gratification » par le plaignant. L’habitant de Trou d’Eau Douce expliquait sa démarche par le fait que le ministre « aurait voulu acheter sa conscience ». Cette plainte à l’ICAC survenait quelques semaines seulement après une plainte de l’épouse de Jeetendrasingh Seedhyan, Pamela Seedhyan, une enseignante qui avait accusé le ministre de harcèlement sexuel. Or, il déplore qu’un an après, l’enquête de l’ICAC n’a toujours rien donné.

L’affaire Khudurun : encore loin du compte

Il a dû fuir son pays par peur de représailles. Lui, c’est Nawshad Khudurun, un habitant de St. Pierre qui avait porté plainte en 2016 contre un conseiller du ministre de la Jeunesse et des Sports d’alors, Yogida Sawminaden. L’affaire tourne autour de la réalisation d’un clip pour le ministère de la Jeunesse et des Sports. Pourtant, Nawshad Khudurun avait remis une bande sonore à la commission anti-corruption pour les besoins de l’enquête, dans laquelle un conseiller lui aurait demandé de l’argent en retour de l’octroi du contrat par le Mauritius Sports Council.

Affaire Sumputh : À quand une interpellation d’Anil Gayan ?

L’ancienne directrice du Trust Fund for Specialised Medical Care s’est rendue la semaine dernière à l’ICAC dans le cadre de son interrogatoire. Un interrogatoire qui a eu lieu plusieurs mois après l’éclatement de cette affaire, après une question parlementaire de Rajesh Bhagwan. L’enquête vise surtout la hausse salariale de Vijaya Sumputh en un an. Depuis le temps que l’enquête a été initiée, la commission anti-corruption avance à pas de tortue dans cette affaire, d’une importance capitale pour le maintien de la stabilité gouvernementale. Comme dans l’affaire Choomka, le cas Sumputh avait été sujet à un Fact-Finding Committee et le rapport de ce comité a été acheminé vers les locaux de l’ICAC à Moka. Les interrogatoires ont débuté récemment et la question qui est sur toutes les lèvres : est-ce qu’Anil Gayan, actuel ministre du Tourisme et ancien ministre de la Santé, sera convoqué pour interrogatoire ?

Vishnu Lutchmeenaraidoo

L’échappée belle !

L’affaire Euroloan avait fait polémique il y a quelque temps. Une enquête de l’ICAC avait été initiée pour déterminer un possible délit de « Using office for gratification » sous la POCA contre Vishnu Lutchmeenaraidoo, ex-ministre des Finances. Cependant, il a été épargné d’une poursuite après que l’enquête de l’ICAC ait déterminé que Vishnu Lutchmeenaraidoo est un client de longue date de la SBM et qu’il avait déjà bénéficié de privilèges semblables dans le passé. C’est le 1er juillet 2015 que Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Finances, a demandé un emprunt d’1,1 million d’euros à la State Bank. Le 11 septembre 2015, la banque lui  fait savoir que cet emprunt a été accepté à un taux préférentiel.

Soodhun : l’épargné

L’ex-ministre du Logement et des Terres aurait, semble-t-il, convaincu les enquêteurs de l’ICAC qu’il n’y avait pas lieu d’initier une enquête concernant l’octroi d’un terrain de l’État en mai 2015 alors qu’il était en poste dans ce ministère. En effet, la société Mohamad Umeeir Ibne Showkut (SMUIS), détenue à 100 % par le fils de Showkutally Soodhun, a obtenu du ministère du Logement et des Terres un bail de 60 ans, à partir de mai 2015, pour un terrain à Grand-Baie.

Les institutions y passent aussi

Enquête sur la Wastewater Management Authority

La commission anti-corruption a débuté une enquête, en octobre 2017, sur l’allocation d’un contrat de la Wastewater Management Authority (WMA) à Scene-Ries Consult Ltd. Cela, pour une étude de faisabilité sur un projet de tout-à-l’égout à Rivière-du-Rempart. Une lettre envoyée par des employés de la WMA portait des allégations à l’encontre de Sulaiman Hansrod, le chairman de cet organisme, un proche du gouvernement.

 

Déposition contre des cadres de l’Irrigation Authority

En compagnie de leur homme de loi, Me Jean-Claude Bibi, un comptable de l’Irrigation Authority et un auditeur avaient porté plainte à l’ICAC en novembre 2017. Ils avaient accusé deux cadres de cet organisme d’avoir effectué des paiements qui ne seraient pas légaux.

Landscope n’y échappe pas

L’Independent Commission Against Corruption (ICAC) enquête sur Landscope Mauritius. La commission enquête sur des allégations de corruption dans le cadre du transfert du « Landscaping Lease » d’un terrain de 81 perches situé à la Cybercité d’Ébène. Selon le dénonciateur, la direction de Landscope Mauritius n’aurait pas respecté une décision du conseil d’administration de l’organisme.

Le board de Landscope Mauritius, présidé par Gérard Sanspeur, Senior Adviser du Premier ministre, avait décidé de ne pas accepter la demande d’une compagnie pour le transfert d’un bail. À l’unanimité, le conseil d’administration avait, lors d’une réunion en mai 2017, ordonné à la direction de Landscope Mauritius de reprendre tous les terrains à bail afin de faciliter la mise en œuvre du projet Urban Regeneration à Ebène. Cependant, la direction de Landscope Mauritius, sous Naila Hanoomanjee comme Officer-in-Charge, aurait même écrit à une compagnie réputée dans le domaine de la construction pour lui proposer un bail sur ce terrain de 81 perches. La commission anticorruption cherche à savoir pourquoi les directives du board de Landscope Mauritius n’ont pas été respectées. Elle a écrit à l’organisme pour réclamer des explications, ainsi qu’une copie des documents liés au transfert du terrain 22A de la Cybercité.