Jack Bizlall: « Ceux qui ont licencié des gens illégalement doivent répondre pour les pertes de Rs 242 millions »

Le syndicaliste Jack Bizlall pense que le Premier ministre Pravind Jugnauth se trompe de cible en ce qui concerne les pertes subies par Air Mauritius. Selon lui, les responsables sont les dirigeants de MK et non pas les pilotes. La compagnie nationale d’aviation, dit-il, est devenue le baromètre de la politique à Maurice. Fustigeant Mike Seetaramadoo, Jack Bizlall affirme que ce dernier « agi vite pour faire des conneries ».

Il est question depuis ces derniers temps des pilotes, y en a-t-il un au QG d’Air Mauritius ?

Récemment, le conseil d’administration en a trouvé un qui est, malheureusement, plus intéressé par l’achat des Airbus qu’autre chose. Il y a, d’ailleurs, déjà travaillé.

Le Premier ministre Pravind Jugnauth a avancé le chiffre de Rs 242 millions de perte pour Air Mauritius. Est-ce que c’est une crise qui aurait pu être évitée ? 

Je voudrais dire au Premier ministre qu’à travers le monde, il y a une série d’arrêt de travail, de grève, de retards des départs et arrivées des avions. C’est la maladie du transport aérien. Elle est structurelle, mais aussi provoquée. Que le Premier ministre cesse de nous prendre la tête avec ses Rs 242 millions. Qu’il s’adresse aussi aux responsables de cette perte, ceux qui dirigent Air Mauritius depuis quelques temps et non pas les pilotes.

Au plus fort de la crise, les politiques de la majorité ont crié à l’antipatriotisme. Est-ce que réclamé ses droits est devenu une démarche antipatriotique ?

Être patriotique est une approche qui est philosophique. Mais il est surtout manipulé politiquement. Des millions de personnes ont perdu la vie lors des deux Guerres mondiales à cause du patriotisme. Le patriotisme n’est pas une porte qu’on peut ouvrir en toute circonstance et à tout moment sans juger la portée de ce que c’est. Je ne suis, moi-même, pas un patriote et je le dis ouvertement. Je ne peux pas venir dire que je suis un patriote, mais tout accepter. Au nom de quoi ? Au nom des intérêts de l’État ? Au nom de la classe possédante ? Il y a un gros manquement à Maurice. Nous parlons sans savoir ce que nous disons.

Pour revenir à Air Mauritius, cette crise ne serait pas produite pour deux raisons. Premièrement, j’ai vérifié concernant Patrick Hofman et un autre pilote, jamais il n’a été vu par un médecin chez lui ou l’a contacté. Et pourtant, il a été mis à la porte parce qu’il aurait refusé la visite d’un médecin. Pour Ulyate Baines, il était en congé maladie depuis le 4 octobre. Il a même soumis un certificat médical le lendemain à 14 heures pour permettre qu’il y ait un remplacement. La loi internationale ne permet pas à un pilote de prendre la responsabilité d’un avion quand il est souffrant.

Mais il a été vu par le médecin de MK ?

Oui mais sans qu’il soit ausculté ou que sa tension artérielle ne soit prise. Ce n’est que trois jours après que le médecin n’a fait qu’examiner la gorge de Baines avant d’aller radoter à la direction que ce dernier allait bien. L’épouse du pilote, qui est une Mauricienne travaillant chez Air Mauritius, a bien fait comprendre au CEO que son mari était effectivement malade. Lor baz enn pretext ti bizin mett dimunn deor, finn mett dimunn deor pou apre mett tou problem ki ena dan Air Mauritius lor zott ledos.

Air Mauritius a revu à la baisse le salaire des pilotes qu’elle recrute. Elle veut enlever leur droit à des billets d’avion pour leur famille chaque année alors que ces deux conditions font partie d’un accord collectif. Accord qui n’a pas été révisé depuis 2015.

Et pour quelle raison ?

Attention ! Selon l’accord signé, il est stipulé que soit il est dénoncé trois mois après son expiration ou il reste en vigueur jusqu’à ce qu’il soit revu. Ces deux conditions ont été changée illégalement. Ceux qui ont illégalement changé ces deux conditions et qui ont licencié des gens de façon arbitraire et sauvage, doivent répondre pour les pertes de Rs 242 millions et non pas les pilotes.

Air Mauritius n’est-elle plus dans les turbulences ?

Les pilotes m’ont demandé d’agir comme négociateur auprès du ministère du Travail, après la réintégration inconditionnelle des deux de leurs collègues. J’ai quitté les locaux de ce ministère avec un projet de reinstatement sans conditions des deux employés. Les officiers du ministère et moi avons rédigé une lettre. Pour moi le problème est réglé depuis mercredi après-midi. C’est aux avocats de ces deux pilotes et ceux de MK de vérifier le contenu de la lettre avant de la signer. D’ici le mardi 17 octobre, ils vont être réintégrés. Si pour une raison, les deux pilotes ou l’un d’entre eux ne veuille pas le faire. Leur salaire mensuel est de Rs 400 000. Avec trois mois par année de service et ayant plus d’une dizaine d’années au compteur, faites le calcul combien ils pourraient réclamer devant la cour industrielle. Je ne vois pas cette cour refuser de statuer en faveur de ces deux pilotes parce que le débat tournera autour de la procédure de licenciement.

Il n’y a donc plus de malaise à MK ?

Certainement qu’il y en a. Il est d’ailleurs tridimensionnel. C’est pour cette raison que je vais prendre un peu de recul pour pouvoir tacler ce problème en toute liberté. Il y a un comité technique responsable de 16 dossiers qui a été mis sur pied à MK. J’ai déjà ma part au sein de ce comité. Il y a après un suivi à faire. Trois rendez-vous ont été pris pour terminer les travaux de ce comité. Je ne suis pas le négociateur des quatre syndicats de MK.

Je voudrais prendre en main le dossier d’Air Mate où il y a un abus. Pour ne pas offrir les salaires que les syndicats ont proposés après âpre bataille, des sociétés sont créées pour employer des gens avec des salaires dérisoires. MK est en train de faire appel à Air Mate qui est une entreprise appartenant à Air Mauritius afin de recruter à bas prix et par la suite déclarer de gros bénéfices. C’est le malaise principal qui subsiste aussi au sein de Mauritius Telecom, la Central Water Authority (CWA).

Et la réduction des salaires des pilotes ?

Si Air Mauritius s’attaque aux salaires et à l’emploi, c’est qu’il ne joue plus son rôle de provide decent and well remunerated employment. Avec le VRS, elle renvoie les personnes compétentes et prive le pays de ces dernières jusqu’à l’âge de 60 ans. Il y a aussi une instabilité au sein de la direction. Air Mauritius est devenu le baromètre de la politique. À chaque changement de gouvernement, il y a un changement de direction chez MK et des facilités à l’aéroport. Air Mauritius est comme-ci devenu la propriété de ceux qui sont au pouvoir. Les politiques ont une mainmise sur la compagnie en termes de voyages, d’emplois et d’autres facilités. Air Mauritius est, chaque cinq ans, secouée par une appropriation politique. Le PTr et le MSM l’ont fait. Le MMM l’a fait mais partiellement.

Depuis le licenciement de Megh Pillay comme CEO, Mike Seetaramadoo est montré du doigt pour tous les maux à MK ?

Mike Seetaramadoo est quelqu’un qui a beaucoup souffert dans le passé quand il bossait à Air Mauritius. Il avait été mis à la porte en deux occasions. Malheureusement, il est en train, maintenant, de faire souffrir les autres. Je pensais que Mike Seetaramadoo avait un grand savoir. Mais jusqu’à preuve du contraire, je constate qu’il doit beaucoup apprendre. Il est bourré de diplômes, mais il a encore à apprendre. Au lieu de faire cela, il prend plus de responsabilités au niveau des ressources humaines et commercial. Tristement, son incapacité de maitrise de l’un et de l’autre fait que ces deux départements ramass bézé. Mike Seetaramadoo a, toutefois, la qualité d’agir vite. Mais il agit vite pour faire des conneries.