Jibraan Khudurun kidnappé, torturé et ses oreilles sectionnées en Afrique du Sud

Mis en cause pour blanchiment d’argent par la commission drogue

  • « Mo banne ravisseurs ti pé rode cash ki commission ti dire soi-disant mo éna », dit-il 
  • L’ADSU ne s’est pas intéressée à son cas jusqu’ici

Kidnappé, menacé, torturé jusqu’à avoir les oreilles sectionnées. C’est le calvaire qu’a vécu Jibraan Khudurun du 25 au 27 juillet derniers en Afrique du Sud. Mis en cause pour blanchiment d’argent par la commission d’enquête sur la drogue, cet homme de 26 ans doute que son kidnapping y serait lié. Soupçonnant que ses ravisseurs aient des connexions locales, il craint désormais pour sa vie…

Zahirah RADHA

Jibraan Khudurun n’arrive toujours pas à s’en remettre. La tourmente qu’il a vécue aux mains de ses ravisseurs le hante tellement qu’il ne peut plus dormir seul le soir. Le jeune commerçant de 26 ans, un ancien toxicomane, se dit néanmoins déterminer à dénoncer les auteurs de son rapt. Et ce, bien qu’il aurait eu affaire à des Sud-africains mais qu’il soupçonne d’avoir des connexions locales. Cet habitant de Moka, il faut le souligner, avait été entendu par la commission d’enquête sur la drogue. Ses fréquents voyages en Afrique du Sud, Madagascar et Mozambique entre 2012 à 2017, qui s’élèvent au nombre de 20, avait éveillé les soupçons de la commission. D’autant qu’il n’y avait aucune trace de ses transactions financières. Il est d’ailleurs mis en cause pour blanchiment d’argent dans le rapport Lam Shang Leen qui a été rendu public le 27 juillet dernier. Et c’est justement durant cette période que Jibraan Khudurun a passé les pires jours de sa vie.

C’est dans la matinée du 25 juillet dernier que Jibraan Khudurun a pris un vol à destination de Johannesburg en Afrique du Sud. « Je devais y rencontrer des nouveaux clients », explique-t-il. Une fois sur place, il aurait pris un taxi en vue de se rendre à l’hôtel où il devait séjourner. Mais en route, le taxi dans lequel il se trouvait aurait été intercepté par deux voitures. « Quatre dimounes ine sorti et ène la-dans ine rentre dans taxi are moi et ine mette ène revolver kot mo la tête. Li dire moi donne tou cash ki éna are moi », relate notre interlocuteur. Sous menaces, ce dernier lui remettra alors Rs 25 000 ainsi que son passeport, tel qu’exigé par son ravisseur. À ce stade, Jibraan Khudurun ne se doutait pas encore de ce qui l’attendait. « Mo ti croire ène sel car hijack ki courant là-bas », poursuit-il. Mais il se désenchantera très vite. Le jeune homme serait contraint, sous des menaces et des coups, de prendre place à bord d’une des deux voitures avant d’être conduit, les yeux bandés et les mains ligotées, dans une maison qu’il pense être inhabitée.

« Zotte rode fer moi mange mo zorey » 

Les trois jours suivants se seraient révélées être un véritable supplice pour Jibraan Khudurun. « Zotte ti pé torture moi. Zotte fine brûle mo les 2 lipieds avec caro so. Zotte ine prend ène ti marto et zotte ine tappe sa lor tou mo bane joints les doigts la main et lipied. Zotte fine osi fonce ène chiffon pétrole dans mo la bouche pou mo pas criyé », avoue-t-il. Mais ce n’est pas tout. Ses oreilles seront aussi sectionnées à deux différentes reprises avec une … lame de scie. « 2-3 dimoune ine tini mo le corps et ène lot ine coupe mo zorey droite avec ène lame la scie », renchérit le jeune homme qui dissimule ses oreilles massacrées sous un bonnet. Pire, ses ravisseurs auraient tenté de lui faire manger sa propre oreille ! Un tourment qu’il a pu cependant éviter, ayant perdu connaissance pile à ce moment. Son oreille gauche n’aurait pas échappé pas à cette torture. Elle aurait également été charcutée plus tard. « Ene lot fois, zotte ine en pendant moi lor muraille et zotte ine brule moi partout partout avec ène royard so et à chaque fois ki mo dire zotte mo gagne soif, zotte plonge mo latet dans ène baignoire delo », soutient-il.

Durant tout ce temps, ses ravisseurs, dont un se serait présenté comme un policier, ne voulaient qu’une chose : l’argent qu’il était censé avoir. « Zotte ti pé rode koné kot mone garde cash et à chaque fois mone dire zotte mo péna. À ène moment donné, zotte ine dire moi ti éna to nom dans journal. Tone passe dans commission. Pas kapave ki to péna cash », déclare Jibraan Khudurun. Ses kidnappeurs auraient même, selon les dires de notre interlocuteur, pris des photos de lui, les oreilles sectionnées et saignant abondamment, avant de les envoyer à certains de ses contacts sur son cellulaire en espérant qu’ils se manifesteraient pour payer une rançon.

Connexions locales et silence des autorités

Selon Jibraan Khudurun, ses ravisseurs, prenant finalement conscience, le 27 juillet, qu’ils n’auraient pas d’argent, l’auraient jeté comme « ène balle saleté » dans une des rues de Johannesburg. C’est une de ses connaissances, qu’il a appelé sur le portable d’un passant, qui l’aurait emmené chez un médecin pour recevoir des soins.  Et ce n’est que quelques jours plus tard qu’il se serait rendu à l’ambassade mauricienne à Pretoria pour relater son calvaire et pour effectuer les démarches relatives en vue de rentrer à Maurice. D’autant qu’il n’avait pas de passeport. Jibraan Khudurun est rentré au pays, le 31 juillet dernier, dans un piteux état et cloué sur une chaise roulante.

Son état aurait d’ailleurs attiré l’attention des autorités. « Mo fine explique zotte tou seki fine arrivé. Ti éna l’ADSU tou ti vini. Zotte fine prend mo déclaration tou », ajoute-t-il. Il regrette toutefois que les autorités n’aient toujours pas repris contact avec lui alors qu’un mois s’est déjà écoulé depuis les faits. « Mo pensé ki sa banne dimounes ki ti kidnappe moi la éna contacts dans Maurice. Parski zotte pas kapave nek koze commission kumsa », affirme-t-il, en se demandant si les nouveaux clients qu’il devait rencontrer en Afrique du Sud ne l’auraient pas attiré dans un guet-apens. Jibraan Khudurun vit désormais dans la peur, craignant surtout pour sa vie et pour la sécurité de sa famille.