Fut un temps où relativement peu de personnes avaient un portable et où il n’était utilisé que pour des communications vraiment importantes. Mais cela, c’était avant ! Et petit à petit, le portable commença à avoir de plus en plus d’applications, jusqu’à l’apparition des premiers smartphones. L’usage de plus en plus répandu de ces téléphones ‘intelligents’ a considérablement changé la donne. Aujourd’hui, tout le monde, surtout ceux de la jeune génération, a son nez dans son portable. Il ne serait pas exagéré de dire que l’Humanité a été ‘asservie’ par cet appareil ! En cette Journée internationale (ndlr. Le 7 fév) sans téléphone mobile, il convient de se lancer un défi et de voir comment on pourrait contrôler l’utilisation de son portable,

Phil Marso est un écrivain français. C’est lui l’instigateur de cette Journée sans portable, qui a été observée pour la première fois le 6 février 2001. Il avait proposé trois jours de réflexion sur le téléphone portable, le 6, 7 et 8 février. Aujourd’hui, la journée mondiale sans portable est observée le 7 février de chaque année.

Phil Marso ne demande pas aux gens d’éteindre leur portable ou smartphone pendant 3 jours. En cas d’urgence, cette consigne serait irresponsable. Il encourage plutôt les usagers à savoir maîtriser cet outil quotidiennement pour éviter une dépendance. Il prône ainsi un débat de réflexion les 6,7 et 8 février 2021 autour de cet outil de communication.

La nomophobie, ou la peur d’être sans son portable

Pour la communauté scientifique internationale, l’usage abusif du téléphone mobile n’est pas une pathologie. L’addiction au smartphone n’est pas reconnue, contrairement à la dépendance aux jeux d’argent qui est inscrite dans le manuel de diagnostique des troubles mentaux. Ainsi, utiliser le terme de « phobie » peut paraître quelque peu exagéré car, dans la majorité des cas, il ne s’agit que d’une anxiété banale.

Une étude a révélé que 53 % des utilisateurs de téléphones mobiles (76 % chez les jeunes de 18 à 24 ans) ont tendance à être anxieux quand leur téléphone est perdu, à court de batterie ou de crédit, ou quand ils n’ont aucune couverture.

Elle a également révélé qu’environ 59 % d’hommes et 48 % de femmes souffrent de cette phobie, et 9 % se sentent stressés lorsqu’ils n’ont pas leur téléphone portable.

L’étude montre que ce phénomène s’est amplifié avec l’avènement des smartphones et des forfaits illimités.

L’étude montre aussi que le niveau de stress induit par les cas standard de nomophobie est comparable à celui du trac éprouvé lors du jour de son mariage ou à une consultation chez le dentiste.

Selon une autre étude commanditée en 2010, les utilisateurs consulteraient leur smartphone 150 fois par jour, soit en moyenne toutes les 6 minutes et 30 secondes, au cours d’une journée de 16 heures.

Sarvesh Dosooye, psychologue

Sarvesh Dosooye « Il arrivera un moment où l’utilisateur entrera dans une phase addictive »

« Il est vrai qu’avec la technologie, la façon dont les humains réagissent a changé. En ce qui concerne les téléphones portables, il arrivera un moment où l’utilisateur entrera dans une phase addictive », nous affirme le psychologue Sarvesh Dosooye. « D’ailleurs, les choses tournent tellement autour de la technologie que quand il n’y a pas d’électricité, les gens ne savent pas quoi faire. »

Le portable étant très accessible, et aussi très facile à utiliser, petit à petit, le monde des gens a commencé à tourner autour de leurs téléphones mobiles, car cela leur permet de rester en contact avec leurs proches et leurs amis, explique-t-il.

Le psychologue explique que certaines personnes, si elles sont coupées avec leurs téléphones, peuvent ressentir une sensation de manquement ou d’agacement ou d’inconfort,  voire même des sensations que la personne n’avait pas l’habitude de ressentir.

Ceux qui ont développé une véritable addiction à leurs téléphones peuvent même ressentir des tremblements, tout comme les toxicomanes qui n’ont pas reçu leur dose de drogue, fait comprendre le psychologue.

Le portable est quasiment irremplaçable

Pourquoi le portable a t-il une place aussi prépondérante dans la vie des gens ? Tout bonnement, parce que dans le monde d’aujourd’hui, il est quasiment irremplaçable. On ne peut ignorer les avantages qu’il procure.

  • Le téléphone portable permet à n’importe qui, où qu’il soit, de rester en contact en permanence. Le portable ainsi facilite la communication même dans des endroits isolés où il n’y a pas d’infrastructures téléphoniques traditionnelles, comme des cabines téléphoniques.
  • Certains téléphones mobiles sont dotés de GPS, ce qui permet de connaitre votre position n’importe où que vous soyez. Ce qui peut être utile dans un accident.
  • Les téléphones mobiles permettent d’approfondir les connaissances. Après les cours, l’utilisation des smartphones, encadrée par les enseignants, peut encourager les enfants à rechercher des informations sur le sujet abordé. Cela leur permet d’apprendre à utiliser des outils pédagogiques, à rechercher des informations intéressantes sur le sujet et à promouvoir une recherche rigoureuse au lieu d’un simple plagiat.
  • Ils peuvent être des outils d’apprentissage, et pas nécessairement sur le plan académique. Par exemple, en marquant les dates des examens sur leurs smartphones, les enfants peuvent apprendre à utiliser les calendriers.
  • Le téléphone mobile peut lutter contre la dépression. À l’âge ingrat de l’adolescence, beaucoup de jeunes peuvent parfois se sentir seuls et isolés. Grâce au smartphone et aux réseaux sociaux en général, les ados peuvent facilement rester en contact avec leurs amis, voire avec certains membres de leur famille.

Ce que vous pouvez faire en ce dimanche 7 février

Photo D'illustration

  • N’éteignez pas votre portable, car il se pourrait quand même qu’il y ait un appel urgent. Mais ne l’utilisez que pour les appels importants.
  • Encouragez vos proches et les membres de votre famille à en faire de même.
  • Déjeunez ou dinez entre famille avec cette règle d’or : que personne ne pose le portable sur la table mais ne le consulte uniquement que s’il y a un appel ou un message entrant.
  • Meublez le temps par la conversation entre membres de la famille.
  • Encouragez la conversation… sur comment tout le monde devient accro au portable. Ou sur d’autres sujets, peu importe.
  • D’autres astuces pour rester le plus longtemps possible entre famille : les jeux de société, ou encore que tout le monde regarde un film à la télé ensemble.
  • Vous pouvez aussi prévoir une sortie en famille. Ce sera peut être trop de demander à certaines personnes de laisser leur portable à la maison, mais adoptez comme règle que tout le monde devra utiliser son portable uniquement pour les appels importants. 

Les inconvénients des téléphones mobiles

Naturellement, qui dit avantages dit aussi désavantages. Aujourd’hui, on ne peut plus ignorer certains points négatifs de la téléphonie mobile.

  • De nombreuses troubles psychologiques font leur apparition, dont la ‘nomophobie’, qui est la peur de vivre sans son smartphone. Cela peut paraître incroyable, mais ce trouble touche tout de même plusieurs personnes. 76 % des personnes affirment d’ailleurs qu’elles se sentent perdues sans leur smartphone, et que cela créé d’ailleurs en elles un véritable sentiment d’anxiété.
  • Les téléphones portables provoquent des rayonnements électromagnétiques. Une utilisation trop prolongée de votre portable peut entraîner un risque de tumeurs au cerveau à long terme.
  • Ils affectent la motricité fine. Il faut savoir qu’un enfant doit apprendre à tenir un crayon et à écrire avant d’apprendre à utiliser un smartphone. La pince qu’il réalise avec son index et son pouce est l’une des étapes fondamentales du développement psychomoteur de chaque enfant. Selon certaines études, l’introduction précoce des téléphones cellulaires éloigne l’enfant de ce mouvement simple mais fondamental dans son développement.
  • Les enfants interagissent par le biais de chats ou de texto, raccourcissent les mots ou ne communiquent qu’avec des images, ce qui peut affecter le développement du langage écrit.
  • Comme cela peut être le cas avec les jeux vidéo, l’utilisation constante d’un smartphone conduit à l’isolement social. L’enfant joue, surfe, interagit sur les réseaux sociaux, mais ne communique pas avec les êtres humains qui l’entourent. Or, le développement des ‘social skills’ est un élément important de leur croissance.
  • Une étude a montré que les étudiants les plus dépendants de leur téléphone portable seraient plus anxieux et auraient de moins bons résultats scolaires que ceux capables de se déconnecter de la réalité virtuelle.
  • La surutilisation du smartphone amène l’enfant à rester assis dans un fauteuil ou couché dans son lit à tout moment de la journée, et ce manque d’activité physique aura de graves répercussions sur la vie des enfants.
  • L’utilisation incontrôlée du téléphone mobile expose les enfants au ‘cyberbullying’ (harcèlement) ou aux prédateurs sexuels. Ou au contraire, il peut photographier ou partager le contenu privé d’un autre enfant et devenir ainsi un ‘tyran’.
  • Les portables constituent un problème environnemental lourd. En effet, les batteries des portables contiennent des polluants particulièrement dangereux pour la nature et la santé humaine.
  • Les téléphones portables consomment beaucoup d’énergie : en moyenne, une heure de conversation est équivalente à l’énergie utilisée par un lave-linge à 40 o
  • Les émissions de gaz carbonique (CO2) engendrées par la production de 4 milliards de téléphones portables sont estimées à 40 millions de tonnes, soit l’équivalent de la pollution causée par 20 millions d’automobiles.

TÉMOIGNAGES

Nous nous sommes tournée vers un collégien, un enseignant et une personne à la retraite pour connaitre leur degré de symbiose avec leur portable. Choisir un collégien est évident, car les jeunes font face à plusieurs remontrances ces jours-ci, notamment le fait qu’ils passent trop de temps sur leur portable et leur ordinateur. Dans le cas de l’enseignant, on aurait pu penser que les enseignants auront une certaine aversion pour les portables. Finalement, dans le cas du retraité, il faut quand même se demander comment les personnes âgées s’en sortent avec cette nouvelle technologie.

Himansh, collégien

« Mon portable est la première chose que je touche en me réveillant et la dernière chose que je touche avant de m’endormir »

Himansh fréquente un collège privé situé dans les hautes Plaine-Wilhems. Ce dernier, qui est en mode préparation pour les examens du School Certificate, nous explique que rester un jour sans son téléphone portable est quasiment impossible.

Il étudie des matières comme ‘Art’ et ‘Design & Technology’, ce qui fait que pour faire ses projets, il a besoin de son téléphone. « Je ne peux pas rester sans mon téléphone car j’ai des photos et autres que je dois utiliser en faisant mes projets », nous fait comprendre ce jeune de 16 ans.

Et en temps normal, quand il n’étudie pas ? Le jeune homme hésite, et nous avoue finalement : « Mon téléphone est la première chose que je touche les matins en me réveillant et la dernière que je touche le soir avant de m’endormir. J’aime beaucoup regarder des vidéos sur Youtube, et c’est ce que je fais quand je suis libre. »

La mère de l’adolescent, qui travaille dans le secteur public, explique que ses deux fils sont sur leurs téléphones presque tout le temps. Elle essaye tant bien que mal qu’ils fassent des activités physiques mais en vain. Selon elle, c’est la raison pour laquelle Himansh, son fils ainé, n’est pas doué en langues. « Il croit qu’en regardant des vidéos sur son téléphone, il pourra améliorer son langage mais cela est tout à fait faux. Il faut qu’il fasse la lecture comme je lui fais comprendre à chaque fois. »

Cette mère d’une quarantaine d’années précise que son fils cadet, qui va bientôt prendre part aux examens du PSAC, apprend ses leçons, mais il reste lui aussi beaucoup de temps sur son téléphone au lieu de se livrer à des activités physiques, ce qui fait qu’il a commencé à prendre du poids.

Visagen, enseignant

« Les dimanches, je mets mon téléphone de côté »

Visagen (prénom fictif) est enseignant en langues dans un collège d’État. Il explique qu’il aimerait rester sans son téléphone toute une journée. Mais il aime être « updated » avec les actualités car avant d’être enseignant, il a travaillé comme journaliste pendant 10 ans.

« Dès que je suis libre, je prends mon téléphone pour voir les dernières nouvelles », nous dit-il. Durant la journée, des choses se passent et les médias mettent ces nouvelles en une fraction de seconde sur leur page Facebook.

Mais il explique quand même que le dimanche, c’est le « family time », et il préfère mettre son téléphone de côté ce jours-là, sauf s’il reçoit des appels urgents.

 Sinda, retraitée

« Je n’arrive pas à utiliser mon portable, c’est trop compliqué »

Sinda est une habitante de Curepipe qui va cette année souffler ses 80 bougies. Elle vit seule depuis le décès de son époux, qui souffrait de la maladie d’Alzheimer.

Ayant un téléphone portable pour que ses enfants puissent prendre de ses nouvelles, elle dit qu’elle ne voit pas un portable comme une nécessité car elle a son téléphone fixe, qu’elle peut utiliser pour faire des appels urgents.

De plus, elle explique qu’avec son âge, c’est difficile de manier un téléphone. « J’ai un portable simple, que mes enfants m’ont offert mais souvent je n’arrive pas à l’utiliser, car je trouve que c’est compliqué. De plus, j’oublie souvent de recharger la batterie de mon téléphone car je suis plus habituée avec le téléphone fixe », fait comprendre la prochaine octogénaire.

Une de ses filles, Devi, explique quand même que le téléphone portable est une nécessité car appeler sur le téléphone fixe n’est pas tout le temps évident.

 

Neevedita Nundowah