Le PM s’arroge les pleins pouvoirs avec L’‘Immigration Bill’ : « Est-ce justifié dans un État de droit ? » se demande Ritish Ramful

L’Immigration Bill a été présenté au Parlement ce 19 juillet 2022 en première lecture. Comme son nom l’indique, il apporte plusieurs changements à notre régime d’immigration. Mais les pouvoirs qu’il octroie au Premier ministre pour retirer la citoyenneté mauricienne à un immigrant désireux de s’installer à Maurice fait sourciller.

Selon Me Ritish Ramful, avocat et député du PTr, plusieurs amendements ont été apportés à l’‘Immigration Act’ depuis les années 1970 pour définir sous quelles conditions les étrangers peuvent s’établir à Maurice. Mais ce qui cloche dans ce nouveau projet de loi, ce sont les changements qu’il apporte sous la section 11 de la ‘Mauritius Citizenship Act’, en ajoutant une nouvelle sous-section (8), qui se lit comme suit : “Notwithstanding subsections (5), (6) and (7), the Minister may, in his absolute discretion and without giving any reason, deprive any person of his citizenship of Mauritius, if he has reliable information and is satisfied that it is in the interest of defence, public safety or public order.”

On se rappellera les démêlés entre le présent régime et les pilotes d’Air Mauritius en 2017, dont le commandant Patrick Hoffman, qui avait été sous le coup d’une déportation. Le Premier ministre a-t-il voulu éviter cela en s’octroyant les pleins pouvoirs ? Ritish Ramful affiche son inquiétude. « Ce projet de loi signifie que le Premier ministre a le droit de rendre un citoyen apatride sans fournir aucune explication. Cela peut poser des graves problèmes à cette personne car il n’aura pas la possibilité d’avoir recours à la justice pour contester la décision du Premier ministre. Cela donne le pouvoir absolu au PM d’enlever la nationalité mauricienne acquise par un étranger », fait-il ressortir.

Ritish Ramful explique que cela peut avoir de graves implications. Tout d’abord, sur l’image même de la personne dans la société. Cela peut aussi porter un grave préjudice à sa famille, qui s’est déjà établie dans le pays. La personne sous le coup de cette loi n’aura aucun recours à la justice alors qu’auparavant une personne qui était déportée avait la possibilité de contester la décision en cour. Elle était aussi servie d’une notification mais désormais ce ne serait plus le cas.

« Comment, dans un pays démocratique comme Maurice, une provision de la sorte peut-elle être justifiée ? Un tel pouvoir entre les mains du Premier ministre peut-il être justifié dans un état de droit ? », dénonce l’homme de loi et parlementaire. Il ajoute aussi que la constitutionnalité même de cette loi doit être remise en question, vu qu’elle semble déroger à la juridiction de la Cour suprême. « Dans un état soucieux des droits de la personne, il est impératif que les cours de justice puissent trancher en dernier lieu si la personne devra rester dans le pays ou pas, car il s’agit là d’un droit fondamental », dit-il.

Ce projet de loi apporte aussi des modifications à la ‘Deportation Act’, ayant trait au “prohibited immigrant”, définition qui semble recouvrir le Slovaque Peter Uricek, qui avait été déporté alors qu’une injonction intérimaire de la Cour suprême interdisait sa déportation. Le ‘Passport & Immigration Office’ (PIO) et le directeur de l’aviation civile pourront-ils plaider cette section vu qu’ils sont poursuivis pour outrage à la cour ? Me Ramful soutient que le gouvernement n’avait pas le droit de le déporter en avril 2022, vu que cette nouvelle définition de “prohibited immigrant” n’entrera en vigueur qu’après sa déportation. Mais tout dépendra si cette section est rétroactive dans son application.