Les médicaments toujours trop chers

Pharmaceutique

À Maurice, les prix des médicaments sont contrôlés.  Un contrôle imposé pour éviter des abus sur les prix des médicaments et ainsi protéger les consommateurs. Malgré ce contrôle, l’achat des médicaments coûte beaucoup surtout pour les personnes souffrant de maladies chroniques comme le diabète, le cholestérol et la tension artérielle, entre autres. En ce qui concerne la marge de profits des importateurs, des distributeurs et des détaillants, ces derniers sont eux aussi soumis à des règlements qui stipulent que leur marge de profit ne doit en aucun cas dépasser les 35 %.

 

Les prix au détail réglementés

Le ministère du Commerce a pris une décision fin 2016 afin de réglementer les prix des médicaments au détail. Une décision dans l’intérêt des consommateurs, mais qui affecte grandement les pharmacies. Pour eux, la décision de fixer les prix des médicaments dans les pharmacies a été prise sans « prendre en compte les frais administratifs supplémentaires liés à la vente au détail », d’après Siddique Khodabocus, président de l’Union of Pharmacists qui réagissait sur ces règlements après leur promulgation en novembre dernier. Plusieurs jours se sont écoulés depuis et les autorités ne semblent pas céder et prendre en considération leurs doléances.

Mais cette nouvelle réglementation ne vient-elle pas mettre un terme aux éventuels abus de la part de certaines pharmacies ? « Nous n’obtenons pas de profit avec la vente au détail », dit un pharmacien de la capitale. Sur le plan mondial, Maurice est l’un des rares pays où acheter des comprimés au détail est possible. Une bonne chose pour les consommateurs mais qui cache un danger car les patients ne sont pas en présence des spécificités du médicament. Les indications comme la date de fabrication et celle de la péremption, le fabricant et le pays d’origine, les composants du médicament, les contre-indications et les problèmes d’interaction avec d’autres médicaments, entre autres, se trouvent habituellement à l’intérieur de la boîte. Des informations que les consommateurs n’obtiennent plus lorsqu’ils achètent des médicaments au détail. Mais la vente au détail des médicaments est aussi déplorée par plusieurs pharmaciens qui soulèvent la question du « manque de traçabilité ». L’origine et la provenance des médicaments au détail restent souvent ainsi difficiles à déterminer.

Alain Sheratan de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM) déplore les nouveaux règlements promulgués par le ministre du Commerce en novembre dernier sur les prix des médicaments au détail. Selon notre interlocuteur, le ministère n’a pas considéré d’autres facteurs qui pourraient porter préjudice aux consommateurs. En tant que pharmacien, il souligne que cette loi n’arrange pas les choses. « Fixer les prix pour la vente au détail pose problème car nous devons aussi couvrir des frais additionnels tels que l’étiquetage, l’emballage et faire provision pour des récipients, entre autres », souligne-t-il. Les pharmaciens, a-t-il ajouté, ont tous les droits de cesser la vente au détail pour éviter des pertes.

Cette initiative pénaliserait les patients d’après lui, car la vente au détail « est très commune ici à Maurice et nous sommes tous habitués à ce système ».

Cependant, il élabore ses propos, en affirmant que les pharmaciens de Maurice sont les seuls à offrir le service du ‘Free counseling’ et que personne ne considère cet aspect-là. De plus, des discounts sur les produits pharmaceutiques seraient offerts aux consommateurs.

Alain Sheratan envisage de dénoncer le « mauvais traitement » des pharmaciens. Selon lui, cette situation ne peut pas continuer ainsi, faisant référence à cette nouvelle loi de fixation de prix au détail.

 

Les médicaments génériques, une solution ?

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Mosadeq Sahebdin, président de la Consumer Advocacy Platform (CAP), présente les médicaments génériques comme une solution possible. Il affirme qu’à l’hôpital, les médicaments sont presque tous génériques. Selon lui, les Mauriciens ont tendance à croire que ces produits ne sont pas efficaces. « C’est une question de psychologie », dit-il. Il déclare qu’il encourage les importateurs et les pharmaciens à se tourner vers les médicaments génériques. « Je prends moi-même des médicaments génériques de l’hôpital », a-t-il ajouté. Il est d’avis que les médicaments génériques, normalement moins chers que ceux de marque, sont pareillement bénéfiques aux consommateurs. D’ailleurs, plusieurs médicaments génériques sont souvent vendus plus cher que les médicaments de marque, selon le président de la CAP.

Sur la réglementation des prix des médicaments au détail, c’est une victoire pour les consommateurs, selon Mosadeq Sahebdin. Il demande toutefois aux consommateurs d’être vigilants quant aux prix réclamés pour l’achat au détail. Tout en concédant qu’il sera difficile d’exiger des pharmaciens qu’ils affichent les prix au détail de tous les médicaments, encore moins de les publier, il demande néanmoins que les prix au détail soient désormais affichés sur l’étiquette des boîtes de médicaments.

Par ailleurs, en ce qui concerne le dessein de certains pharmaciens de refuser de vendre au détail, cela serait un délit sous le Consumer Protection Act, selon le président de la CAP.

Selon un rapport intitulé Out of Pocket Expenditure du ministère de la Santé, les consommateurs ont dépensé Rs 2,93 milliards sur les produits pharmaceutiques en 2014. Un chiffre qui inquiète la Consumer Advocacy Platform car c’est bien trop élevé.

 

L’importation dite en parallèle  

Toujours du côté de la Consumer Advocacy Platform, l’importation au parallèle est réclamée. La CAP mène une lutte pour que l’importation parallèle devienne légale à Maurice. L’importation parallèle consiste à importer des produits ailleurs que le pays détenteur du droit d’exploitation.

Or, de nombreux importateurs veulent que l’importation parallèle soit rendue légale.  Le président de la CAP, entame lui une lutte pour que le concept de l’épuisement international soit mis en œuvre. Ce qui autorisera l’importation parallèle.

« L’mportation parallèle rendra accessibles différents types de médicaments. En sus d’être meilleur marché pour les importateurs, ce sera bénéfique aux familles de classe moyenne. Malheureusement le public et le gouvernement n’en sont pas assez conscients », affirme le président de la CAP.

 

Pourquoi des prix aussi forts ?

Il y a cependant une demande croissante des médicaments sur le marché et d’après certaines indications, il n’y aura pas de hausse des prix des médicaments de sitôt. Comme mentionné plus haut, les prix des médicaments sont contrôlés par le ministère du Commerce et de la Protection des consommateurs et ne sont pas soumises aux lois du marché.

Est-ce que les consommateurs se font néanmoins plumer ? On aurait tendance à le confirmer vu que certains pharmaciens vendent les médicaments au détail plus cher que les prix fixés sur les boîtes tandis que les consommateurs n’ont pas d’accès à la boîte pour vérifier le prix.  La différence entre prix se situerait aussi au niveau des importateurs, qui ne sont pas les mêmes et qui importent selon les taux de change et le coût du fret.

La recherche en laboratoire pour l’élaboration de nouveaux médicaments ainsi que leur fabrication coûte très cher. À cela s’ajoute une marge de profit, relativement large, des importateurs, des distributeurs et des détaillants de médicaments (qui ne doit toutefois pas dépasser les 35 %.) Cette marge de profits apparaîtrait très élevée par rapport à certains autres produits, par exemple les produits alimentaires, et seraient la cause des prix relativement prohibitifs de certains médicaments.

 

Gaspillage dans le secteur public

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Pendant que plusieurs personnes doivent tirer le diable par la queue afin de se procurer des médicaments pour pouvoir se soigner, il y a un gaspillage de plusieurs médicaments dans les hôpitaux. Dans le dernier rapport du Public Accounts Committee de 2015, on a fait état de plusieurs médicaments périmés. Dans certains cas, le PAC avait noté que plusieurs appels d’offres avaient été lancés pour un même produit. Du coup, c’est une perte de temps et d’argent car à chaque fois, un comité d’évaluation doit être mis sur pied pour étudier les offres.

Ainsi, en 2015, 350 tonnes de médicaments périmés ont été détruites. En 2014, Rs 17,1 millions de médicaments périmés ont été enregistrés. Surtout, ne pas oublier les Rs 1,8 million de médicaments impropres à la consommation, bien avant leur date d’expiration. De novembre 2014 à février 2015, plusieurs médicaments d’un montant d’environ Rs 215 000 avaient été reçus endommagés.

Nous avons fait le tour de quelques pharmacies, notamment dans la capitale. Si le constat est clair du côté des consommateurs à l’effet que les médicaments, qu’ils proviennent de l’Inde, de la France ou de l’Angleterre, sont aussi chers qu’avant, les pharmaciens font entendre un autre son de cloche. Ainsi, pour de nombreux pharmaciens, certains médicaments ont connu quelques baisses de prix. Par exemple, les cachets contre le cholestérol et le diabète, qui sont parmi les médicaments les plus vendus. Ainsi, le médicament Galvus Met contre le diabète, originaire d’Allemagne, diminue de Rs 308. Crestor Roswastatin, un médicament contre le cholestérol, importé de l’Angleterre, se vend à Rs 560 la boîte (28 tablettes), soit Rs 240 en moins comparé à quelques années de cela. Un pharmacien affirme que Maurice est parmi les pays les plus abordables en termes de prix des médicaments.

Chaque distributeur fixe les prix des médicaments à sa convenance. Ce qui fait que les prix des médicaments varient d’une pharmacie à l’autre. Selon une pharmacienne, les prix changent constamment avec le taux de change européen. « Une chose que les consommateurs ne comprennent pas », a-t-elle expliqué. D’ailleurs, elle partage le même avis que la Consumer Advocacy Platform, sur la nécessité de fixer les prix de la vente à l’unité. Or, beaucoup de clients, a-t-elle continué, se plaignent de la montée des prix des médicaments dans certaines pharmacies.

Quant au directeur de la IBL Pharmacy, Ajay Chooromaney : « Les prix sont fixés à l’importation et les fournisseurs nous envoient les factures ».

 

Témoignages

Rs 8 000 de médicaments mensuellement pour un couple

Rs 8 000 par mois pour se procurer des médicaments efficaces. Cette somme nous surprend, mais tel est le sort d’un couple de Port-Louis depuis plus de sept ans environ. Mamode, âgé de 65 ans, souffre de diabète, d’hypertension, d’un excès de cholestérol et de cataracte. En 2010, il commence son traitement à l’hôpital mais très vite, il se rend compte que les médicaments génériques ne le soulagent pas pour autant. Il décide alors de consulter des médecins privés, malgré le coût des traitements. Tous les mois, il doit acheter des médicaments tels que Diamicron, Atorvastatin, Depakin, Advent, et Vera Denk. De plus l’épouse du sexagénaire subit aussi ce triste sort. Âgé de 58 ans, elle a également des complications de santé. « Rs 8 000 mo parents dépense par mois zis dans médecine », nous fait part une de ses filles. Elle estime que les établissements hospitaliers devraient revoir la provenance des médicaments pour éviter que les malades ne dépensent plus ailleurs. Selon elle, les traitements et les médicaments à l’hôpital ne sont pas aussi efficaces que ceux du privé.

 

Le coût trop élevé

Même situation pour une septuagénaire qui habite à Quatre-Bornes. Problèmes cardiaques, tension, cholestérol, diabète et rhumatisme, elle en souffre depuis des années. Elle déplore le traitement à l’hôpital. « Les médicaments qu’on nous offre gratuitement ne soulagent pas nos maux complètement mais je considère que le coût des produits médicaux devrait être revu, tout comme pour la nourriture, ce sont des choses essentielles ».

 

Martin Shkreli, l’homme qui fait bondir le prix des médicaments, inculpé pour fraude

Martin Shkreli, former chief executive officer of Turing Pharmaceuticals LLC, smiles during a House Committee on Oversight and Government Reform hearing on prescription drug prices in Washington, D.C., U.S., on Thursday, Feb. 4, 2016. Shkreli, who is no longer with Turing and faces federal fraud charges unrelated to the drugmaker, declined to make any comments to the committee. "On the advice of counsel, I invoke my Fifth Amendment," Shkreli said. Photographer: Pete Marovich/Bloomberg via Getty Images
Martin Shkreli, former chief executive officer of Turing Pharmaceuticals LLC, smiles during a House Committee on Oversight and Government Reform hearing on prescription drug prices in Washington, D.C., U.S., on Thursday, Feb. 4, 2016. Shkreli, who is no longer with Turing and faces federal fraud charges unrelated to the drugmaker, declined to make any comments to the committee. “On the advice of counsel, I invoke my Fifth Amendment,” Shkreli said. Photographer: Pete Marovich/Bloomberg via Getty Images

Célèbre pour avoir augmenté le prix d’un médicament de 5 400 %, il est accusé d’avoir trompé les investisseurs de deux fonds alternatifs. ( source : le Monde.fr)
Il s’était attiré les foudres du monde politique américain, en septembre, après avoir fait bondir le prix d’un médicament contre la toxoplasmose et le paludisme de 5 400 %. Jeudi 17 décembre, c’est pour une autre affaire que le flamboyant entrepreneur du secteur pharmaceutique Martin Shkreli a été arrêté à New York et inculpé pour fraude.

Accusé d’avoir trompé les investisseurs des deux fonds alternatifs – MSMB Capital Management et MSMB Healthcare Management – dont il était le gérant, il a été inculpé sous sept chefs d’accusation, principalement de fraude et de détournement de fonds, pour une période allant de 2009 à 2014. Le ministère public le soupçonne d’avoir, à plusieurs reprises, donné une image de la santé financière de ces deux fonds sans rapport avec la réalité, afin d’attirer de nouveaux investisseurs. En décembre 2010, il avait notamment assuré que MSMB Capital Management avait environ 35 millions de dollars d’actifs sous gestion, alors qu’il ne détenait plus que 700 dollars au total.

 

« L’homme le plus détesté des États-Unis »

Martin Shkreli est aussi soupçonné d’avoir contraint le laboratoire pharmaceutique qu’il avait créé, Retrophin, à transférer des titres de la société à ces fonds sans contrepartie financière. Au total, Retrophin et ses actionnaires auraient perdu plus de 11 millions de dollars dans l’affaire, selon le procureur du district est de New York, Robert Calpers.

L’avocat Evan Greebel, soupçonné d’avoir conseillé Martin Shkreli pour ses montages aux dépens de Retrophin, a également été inculpé de fraude.

Hypermédiatique et provocateur, Martin Shkreli s’est fait une spécialité du rachat de brevets de médicaments bon marché, dont il augmente ensuite massivement le prix. En septembre, l’une de ses sociétés, Turing Pharmaceuticals, avait fait scandale en faisant passer le prix d’un comprimé de Daraprim, un médicament utilisé contre la toxoplasmose, le paludisme et des co-infections du sida, de 13,50 à 750 dollars du jour au lendemain. M. Shkreli avait alors été surnommé « l’homme le plus détesté des États-Unis », et de nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer cette hausse, notamment au sein du monde politique. Turing avait ensuite annoncé que s’il ne baisserait pas le prix unitaire du médicament, il négocierait des accords avec les groupes de santé sur un prix de gros.

Le marché a vivement réagi jeudi à l’annonce de l’interpellation de Martin Shkreli. Le cours de la société pharmaceutique Kalobios, dont il avait pris le contrôle en novembre, s’est effondré de plus de 50 % dans les échanges hors marché avant que le titre ne soit suspendu avant l’ouverture de la Bourse de New York.