Maurice, futur Zimbabwe

Préparons-nous à faire face à une nouvelle réalité. Maurice est en passe de devenir le nouveau Zimbabwe de l’océan Indien. Et Pravind Jugnauth le nouveau Robert Mugabe. Du moins, dans leur style de gestion. Oublions le Singapour qui, pendant des années, nous a servi d’inspiration et de motivation. Car nos dirigeants sont obnubilés par le pouvoir au lieu de l’héritage économique qu’ils lègueront au pays et à la population. Comme l’avait été l’ancien Premier ministre et président zimbabwéen pendant presque deux décennies. Le dernier exemple criant est les subsides accordés aux importateurs sur sept produits de consommation courante. C’est exactement ce que Mugabe faisait : accorder systématiquement des subsides qui bénéficiaient à ses ‘chatwas’ alors que l’économie zimbabwéenne s’écroulait. But who cares ? Le but, comme à l’accoutumée, c’est de jeter de la poudre aux yeux de la population. Ainsi, certains verront, en ces subsides, une bouffée d’air frais, d’autant que les augmentations seront gelées jusqu’à décembre. Mais qu’adviendra-t-il ensuite ? Dès janvier 2022, ce sera une nouvelle flambée de prix, une nouvelle poussée inflationniste, une nouvelle désillusion…

Ces subsides, faut-il le préciser, seront financés par nul autre que les consommateurs eux-mêmes. Que représentent, par exemple, ces Rs 500 millions face aux milliards de roupies qu’encaissera le gouvernement suite à l’imposition malhonnête de Rs 2.20, incluant la VAT, sur le prix des carburants ? Qui n’a pas remarqué d’ailleurs comment Pravind Jugnauth a retiré son épingle du jeu en mettant les augmentations de prix sur le dos de l’appréciation des devises étrangères et de la hausse du coût du fret ? Tout le monde sait que la dépréciation systématique de la roupie mauricienne en est aussi grandement responsable. Cela alors qu’ailleurs, comme aux Seychelles par exemple, leurs monnaies ont pris de la valeur par rapport au dollar. La roupie seychelloise a apprécié par 35% depuis le début de l’année alors que la roupie mauricienne a, elle, déprécié par presque 10% pendant la même période. On sait aussi que le coût du fret a également pris l’ascenseur en raison du nombre grandissant de navires qui ne veulent plus accoster la rade de Port-Louis à cause de ses nombreux dysfonctionnements. Preuve que c’est la gestion de notre économie qui demeure l’accusé principal de nos malheurs. Pravind Jugnauth peut tenter de manipuler l’opinion publique, mais il n’y parviendra pas !

Ceux qui fréquentent certaines grandes surfaces où les offres concurrentielles sont légions savent que les nouveaux prix de vente proposés par le gouvernement ne sont que foutaises, étant pratiquement les mêmes qui sont déjà affichés sur les rayons. Personne ne prendra des vessies pour des lanternes. Les bourses des consommateurs ne se dévideront pas moins vite avec ces subsides. Par contre, les caisses des importateurs se rempliront certainement plus rapidement. Une manne tombée du ciel, ou plutôt offerte sur un plateau par l’hôtel du gouvernement, pour gonfler leurs marges de profits. Des dirigeants sensés auraient plutôt opté de contrôler la marge de profit des importateurs. Mais pas les nôtres. Ils n’ont pas la notion de ce qui est sensé ou pas. Leur manque de vision et de prévoyance résultera en un élargissement du fossé entre les riches et les pauvres. Triste et cruelle réalité de la politique prônée par le gouvernement.

Dénonçons dans la même foulée la stratégie incohérente du régime actuel. Le ministre Bholah peut-il nous dire comment il compte s’y prendre pour encourager la production locale quand il serait bien plus profitable d’importer après les subsides annoncés ? Si la marge de profits des importateurs avait été contrôlée, ces Rs 500 millions subsides auraient pu être utilisées de façon judicieuse pour inciter les producteurs locaux. Ce qui aurait fait d’une pierre deux coups : accroître notre production locale et créer des emplois par ces temps ponctués d’un fort taux de chômage. Mais comment faire entendre raison à ceux qui persistent à faire la sourde oreille ? Nando Bodha, qui a été l’un des plus fidèles du MSM, le résume bien (voir entretien à la page 7). « C’est avant tout la politique pour rester au pouvoir et encourager les ramifications entre les affaires, la dilapidation des fonds publics et un pouvoir qui utilise tous les moyens pour sa survie ». Oui, la voie zimbabwéenne est bien entamée.