Questions à… Siddick Chady :
Il lui reste un dernier recours après le rejet de sa demande auprès du Privy Council. Celui de solliciter la grâce présidentielle. Entretemps, il maintient son innocence et insiste qu’il a été victime d’un coup monté. Il s’appuie, entre autres, sur une confidence que lui aurait faite Gilbert Philippe il y a un mois de cela lors d’une rencontre au hasard.
Propos recueillis par Z. RADHA
Q : Le Privy Council a rejeté votre demande pour un ‘special leave’ pour faire appel contre votre condamnation de 15 mois de prison dans l’affaire Boskalis. Ce qui implique que vous devrez maintenant purger votre peine. Comment réagissez-vous à cette nouvelle ?
Je suis surpris par la vitesse avec laquelle le Privy Council a agi. J’ai reçu un ‘statement’ soutenant que « the permission to appeal be refused because there is no risk that a serious miscarriage of justice has occurred ». Il ne dit pas que nos points ne sont pas valides, mais plutôt que les points ne sont pas suffisamment solides pour mériter une considération du Privy Council. La justice devra maintenant être appliquée. Je suis naturellement choqué. J’ai toujours maintenu que c’était un coup monté contre moi.
Q : En quoi consiste ce « coup monté » ?
Toutes les charges retenues contre moi sur la base de courriel électronique ont été rejetées, puisque les emails ne sont pas admissibles en Cour, comme l’avait plaidé mon avocat. La charge retenue contre moi, et pour laquelle j’ai été condamné, concerne une « direct evidence » donnée contre moi par Gilbert Philippe. Ce dernier avait prétendu m’avoir prêté un million de roupies, soit 25 000 euros. Une somme que je lui ai soi-disant retourné à travers Boskalis. Or, il n’y a jamais eu de preuves que Gilbert Philippe m’avait prêté cet argent qu’il avait dit avoir obtenu en occupant de hautes responsabilités.
Il faut ici retenir le fait qu’il avait été lui-même condamné par l’ICAC pour blanchiment d’argent avec en toile de fond ces mêmes 25 000 euros. Mais il avait alors bénéficié de l’immunité grâce au DPP. Douze personnes, au total, avaient obtenu l’immunité dans cette affaire. Ce qui est du jamais vu. D’ailleurs, après un certain moment, Gilbert Philippe avait retourné ces 25 000 euros au DPP pour des raisons que nous n’avons jamais comprises.
Je dois aussi révéler une confidence que m’a faite Gilbert Philippe lorsque je l’ai rencontré par hasard aux alentours du marché central il y a un mois de cela. Mone demane li quand to ti prête moi ene million roupies toi ? Il m’a alors dit que : « Mo pa ti ena choix ».
Q : Vous voulez dire qu’il y a eu des failles au niveau du procès ?
Ti ena bane kitsoz pas correct. D’autant qu’il n’y avait aucune évidence qu’il m’avait prêté cet argent que je lui ai supposément remboursé à travers Boskalis et crédité sur son compte bancaire au Singapour. Rien n’a prouvé que c’est moi qui ai remboursé cet argent ou que c’est moi qui ai demandé à Boskalis de lui donner cet argent. Ce n’était qu’une ‘hearsay evidence’. Et pourtant, j’ai été condamné. C’est cela que le public doit bien comprendre.
Q : Pourquoi tenez-vous autant à ce que le public le sache ?
Parce que je suis une ‘public figure’. J’ai été député et ministre. J’opère dans une clinique aussi bien qu’une « home ». Ma réputation est en jeu. Je n’ai jamais été condamné, même à une amende, auparavant. D’ailleurs, la cour n’a jamais établi qu’il y avait de l’argent ni sur mon compte ni sur ceux de mon épouse et de mes enfants.
Il faut aussi noter que l’affaire, qui avait débuté en 2008, avait été rayée en Cour en 2010 avant d’être rouverte en 2012 et cela a duré jusqu’en 2023. Si pa ti met Maunthrooa ladans en 2012, zot pa ti pou kapave met moi. Je ne comprends pas d’ailleurs comment Maunthrooa s’en est sorti alors qu’il avait censé « conspire » avec moi. Ne faut-il pas deux personnes pour faire une « conspiracy » ?
Q : Trouvez-vous drôle que Prakash Maunthrooa a été acquitté, mais pas vous ?
Je ne conteste pas le fait qu’il a été acquitté. Mais j’aurais dû l’été moi aussi, puisque c’était basé sur les mêmes « grounds ». Ce qui est encore plus étonnant, c’est pourquoi le DPP n’a pas fait appel contre ce jugement dans le cas de Maunthrooa. Si ine dire noune fer conspiracy et ki ine tire li, be pa ti bizin tire moi osi ? C’est l’une des questions que je me pose.
Q : Quelles sont les autres interrogations que vous avez ?
Il y en a tellement. Je ne vous dis que l’essentiel. Par exemple, cette affaire concernait la Hollande et Maurice. Or, la déposition avait été consignée par deux enquêteurs mauriciens dans une chambre d’hôtel à Génève en Suisse. Pourquoi ? (Ndlr : il énumère ses autres interrogations) Il y a encore des facteurs qui frappent l’imagination car on se demande comment la justice fonctionne chez nous.
Q : Remettez-vous la justice mauricienne en cause ?
Je ne remets pas en cause le judiciaire. Je respecte les institutions. Mais il y a des points spécifiques sur lesquels je me pose des questions. Toute cette affaire a été « politically motivated ».
Q : Vous avez toujours un dernier recours…
Oui. Je vais maintenant faire une demande pour obtenir la grâce présidentielle. C’est un droit que j’ai en tant que citoyen. Si j’obtiens un ‘respite’ avant que je ne sois condamné, je resterai alors en liberté jusqu’à ce que la commission tranche. Sinon, je me plierai aux procédures. Malgré mes problèmes de santé et le stress que j’ai subi ces derniers jours, je ne chercherai pas de refuge pour échapper à ma condamnation. Mo pas pou alle cachiette. Seki Allah décidé, sa mem pou arrivé. Jamais li pas fer di tort li. Je ne veux surtout pas qu’on pointe du doigt ma famille et ma communauté. Mais je tiens à préciser que cela ne veut pas dire que je mettrai un terme à ma vie politique.
Q : Vous comptez donc reprendre vos activités politiques une fois sorti de la prison, si vous êtes condamné ?
Pa quand mo sorti, même dans prison osi. Cehl Meeah avait posé sa candidature lorsqu’il était en prison. Après tou sa le temps la, mone vine kuma ene institution dans sa zafer politique la. J’aimerais partager ma connaissance.
Q : Quel parti politique allez-vous soutenir ?
Pour l’instant, je ne soutiens aucun parti. Au moment venu, on verra. Mais il est clair, pour moi, qu’il faut, entre autres, un redécoupage électoral et une loi sur le financement politique. Les jeunes doivent avoir l’espoir qu’ils pourront un jour diriger le pays.