Nucléaire iranien : après de fausses alertes, un accord enfin ?

Entre levée des derniers obstacles et libération de deux Irano-Britanniques, les signaux positifs se multiplient dans les négociations sur le nucléaire iranien même si la prudence reste de mise dans un contexte géopolitique tendu. 

«C’est bien parti», avance un diplomate occidental, tandis qu’une autre source espère une conclusion «cette semaine» dans un dossier où les échéances ont rarement été respectées.

Début mars, on évoquait déjà l’imminence d’un accord. Mais vendredi, les pourparlers, qui visent à redonner vie au pacte de 2015 destiné à empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, étaient abruptement suspendus et le négociateur iranien Ali Baghéri repartait bredouille. 

En cause, des demandes de garanties par la Russie que les sanctions la visant à cause de la guerre en Ukraine ne concernent pas sa coopération avec Téhéran. 

Initialement, la requête ne portait que sur le domaine nucléaire et paraissait «raisonnable», mais elle avait ensuite été élargie, se heurtant au refus des Américains, avait expliqué une source proche de l’UE, coordinatrice des discussions.

Finalement, une visite à Moscou du chef de la diplomatie iranienne a permis de débloquer les choses, la Russie disant avoir reçu les garanties nécessaires.

«Il est maintenant clair que la manœuvre tactique de la Russie, qui a tenté de se servir de l’accord pour faire une brèche dans le régime de sanctions occidentales liées à l’Ukraine, n’a pas fonctionné», commente pour l’AFP Ali Vaez, expert de l’organisation de prévention des conflits International Crisis Group.

Deux «sujets» à régler

Autre lueur d’espoir, deux Irano-Britanniques condamnés en Iran à la prison pour des accusations qu’ils ont toujours niées ont été libérés mercredi.

«C’est un autre élément suggérant que les discussions», qui ont démarré en avril 2021 dans la capitale autrichienne, «touchent au but», estime dans une note Henry Rome, chez Eurasia Group.

Alors que l’Iran retient une dizaine de détenteurs de passeports occidentaux, le sort des quatre «otages» américains est aussi dans la balance. L’émissaire américain Robert Malley a promis qu’ils ne seraient pas oubliés.

Selon l’UE, l’essentiel du texte est prêt et «on en est au stade des notes de bas de page».

Téhéran assure de son côté qu’il ne reste plus que «deux sujets» à régler avec les États-Unis qui avaient quitté en 2018 l’accord et rétabli les sanctions, sous la présidence de Donald Trump. En réaction, la République islamique s’est progressivement affranchie des limites imposées à son programme nucléaire.

Le but des pourparlers, entre l’Iran d’un côté, de l’autre la Chine, la Russie, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et indirectement les États-Unis, est donc de faire revenir les deux parties à leurs engagements respectifs.

«Éviter une autre crise majeure»

Mais Téhéran craint que Washington ne renie une nouvelle fois sa parole une fois le président Joe Biden parti. 

Son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a de nouveau insisté mercredi sur cette question d’une «garantie économique» qui protègerait le pays de sanctions internationales si l’histoire devait se répéter. 

L’autre point de contentieux porte sur les Gardiens de la Révolution, armée idéologique dont l’Iran demande le retrait de la liste noire, d’après une source proche du dossier.

Pour M. Rome, «ces différends ne devraient pas s’avérer insurmontables», car «les États-Unis comme l’Iran veulent un accord». 

Les négociateurs ne peuvent se permettre «d’échouer maintenant», veut également croire M. Vaez. «Trop de temps, d’énergie et de capital politique ont été investis, et les alternatives sont bien moins séduisantes», dit-il.

«Un nouveau coup de théâtre» n’est pas exclu, préviennent toutefois experts et diplomates, insistant sur «l’urgence». 

«Chaque heure qui passe accroit le risque que le conflit en Ukraine ne vienne compliquer les discussions» tant il bouleverse l’ordre géopolitique, souligne Daryl Kimball, directeur exécutif de l’Arms Control Association, interrogé par l’AFP.

Or, au vu du développement du programme nucléaire iranien, qui enrichit désormais l’uranium à un taux de 60 %, proche des 90 % nécessaires à la confection d’une bombe, «une restauration rapide du pacte de 2015 est essentielle pour éviter une autre crise majeure», ajoute-t-il.

Mercredi, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), gendarme onusien du nucléaire, a émis un rapport donnant de nouveaux détails sur ces avancées techniques, qui se sont poursuivies au moment même où s’intensifiaient les pourparlers à Vienne.

SOURCE AFP