Papier d’arabe du SC : Le MES concède qu’il faut un ‘bulk remarking’ mais…Les élèves triplement pénalisés sommés de s’acquitter eux-mêmes des frais s’élevant à Rs 11 000

  • Pourquoi n’y a-t-il pas eu de « special consideration » pour les épreuves d’Arabe, contrairement à ceux d’Anglais et de ‘Hindi’ alors que ces deux examens avaient aussi été renvoyés pour cause de grosses pluies ? S’agit-il d’une politique de deux poids deux mesures visant à pénaliser des étudiants d’une communauté particulière ?
  • Les flagrantes anomalies concernant ce papier sonnent-elles le glas de la langue arabe à Maurice ?

Plusieurs étudiants qui ont pris part à l’épreuve de l’arabe aux derniers examens du SC dénoncent le fait qu’ils ont été injustement pénalisés. En effet, le ‘Paper One’ avait été annulé le 28 avril dernier pour raison de fortes pluies mais aucune ‘Special Consideration’ de Cambridge ne leur a été accordée. Qui plus est, le ‘Paper 2’ était d’un niveau qui dépassait les connaissances des élèves, puisqu’il était destiné aux élèves dont la langue arabe est la « primary language » au lieu de « second language » comme cela aurait dû être le cas. Et pour corser l’addition, la correction des papiers a, pour la première fois, été faite à Cambridge et non à Maurice. Le MES, qui a pourtant concédé qu’il y a effectivement un problème et qu’il faut un « bulk remarking » refuse toutefois d’en assumer les frais. Déjà pénalisés injustement sans que les autorités ne défendent leur cause, les élèves ne savent plus à quel saint se vouer…

Il y a environ 189 étudiants qui avaient pris part aux épreuves de l’arabe. Le taux de réussite a connu une énorme baisse cette année-ci, passant de 87,21 % en 2019 pour atteindre 47,85 % en 2021, ce qui constitue un taux d’échec de 52,15 %. Il est évident déjà qu’il y a un problème, d’autant que le taux de réussite n’a jamais chuté en-dessous de 80% auparavant.

Un seul étudiant a su tirer son épingle du jeu avec une distinction 1. Quatre étudiants ont eu deux unités. 18 élèves sur un total de 186 ont eu un ‘credit’. 97 élèves ont échoué (ungraded). Les autres ont eu seulement la mention ‘Pass’. Des étudiants qui s’attendaient à recevoir la mention ‘Distinction’ ont été surpris de recevoir la mention ‘Ungraded’, mettant même à mal les ‘forecasts’ des enseignants.

Dans le milieu des étudiants, on se demande pourquoi aucune ‘Special Consideration’ n’a été accordée, comme l’avait garanti la ministre de l’Éducation, alors que le ‘Paper One’ avait été annulé pour cause de fortes pluies. Pourquoi cette politique de deux poids deux mesures concernant le papier d’arabe et celui d’anglais ? Pourquoi la ministre de l’Éducation n’est-elle pas intervenue ? Pourquoi permet-elle que des élèves issus d’une communauté spécifique soient pénalisés ? Pourtant, nous disent-ils, le MES a reconnu qu’il y avait un problème et qu’un « bulk remarking » était nécessaire. Le comble toutefois, c’est que ces élèves ont été sommés de s’acquitter eux-mêmes de ces frais s’élevant à Rs 11 000 alors qu’ils ont déjà été triplement pénalisés, n’ayant pas fait l’objet de « special consideration », le niveau du papier étant supérieur aux années précédentes puisqu’il n’était pas adapté pour Maurice et la correction ayant été faite directement à Cambridge. Pourquoi devront-ils maintenant être assujettis à une autre discrimination ?

 « Que des mesures correctives soient prises »

Faadhilah, étudiante dans un collège du Nord, attendait une distinction dans cette matière. Or, elle a eu la surprise d’avoir eu 9 unités avec la mention ‘Ungraded’ pour le premier papier et 8 unités pour le deuxième papier. Elle avait l’habitude d’avoir un ‘A’ dans ce sujet. « J’avais déjà pensé à prendre l’arabe comme matière principale et de faire une carrière comme traductrice dans cette langue. Or, je n’ai même pas pu avoir de ‘credit’ dans ce sujet et je suis dans l’obligation de refaire le SC pour n’avoir pas obtenu les 5 ‘credits’ requis », se désole la jeune fille. Cette dernière est même intervenue sur une radio privée pour faire part de son calvaire à la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun Luchoomun. Mais elle a été choquée par la réponse de celle-ci, qui lui avait tout bonnement demandé de repasser son SC. Faadhilah se retrouve dans une situation où elle doit débourser une somme importante pour reprendre part aux examens du SC, soit environ Rs 37 000. Ce qu’elle considère injuste parce qu’elle a été victime d’une panne du système, les autorités n’ayant pas pu trouver une solution à un problème survenu au niveau du Cambridge, du MES et du ministère de l’Éducation.

Umayrah et Ilhaam sont elles aussi dans la peine. Elles ont eu la mention ‘Ungraded’ pour l’arabe malgré qu’elles s’attendaient à recevoir une distinction. Les deux jeunes filles ont toutefois pu monter en HSC et prendre l’arabe comme matière subsidiaire. D’autres étudiants du collège Dr. Maurice Curé et du collège Dr. Régis Chaperon SSS nous ont aussi exprimé leurs doléances. « Malgré tous les efforts que j’ai fournis, mon résultat est très déprimant. C’est indubitablement à cause du haut niveau du ‘Paper 2’ et vu que le ‘Paper 1’ avait été annulé. Je lance un appel au ministère de l’Éducation et au Premier ministre de prendre en considération cette situation », lance un étudiant. « Depuis mon enfance, j’étudie l’arabe. Je savais que j’aurais un ‘credit’ si je prenais part au ‘Paper 1’. Malgré son annulation, il n’y a eu aucune ‘Special Consideration’. Et le ‘Paper 2’ était au-delà de notre niveau. J’avais été très déçu quand j’avais vu le papier. À mon avis, une grave injustice a été commise envers tous les étudiants qui ont pris part au papier d’arabe et je demande que des mesures correctives soient prises. »

Un autre étudiant nous explique : « Le mercredi 28 avril, comme annoncé par un communiqué du ministère de l’Éducation, les examens du SC devaient être annulés en raison de fortes pluies. Les épreuves d’arabe (‘Paper 1’) et  d’anglais (‘Paper 1’)  étaient prévues ce jour-là. En raison de ces circonstances, je n’ai pu réussir à ces examens. On nous avait donné l’assurance que Cambridge nous accordera une ‘Special Consideration’ pour l’arabe mais malheureusement, cela n’a pas été le cas, car j’ai obtenu la mention ‘ungraded’ dans le ‘Paper 1’ alors que je n’ai même pas pris part à cette épreuve. En ce qui concerne l’anglais, j’aurais pu obtenir de bonnes notes si j’avais pris part à cette épreuve. »

Lui aussi croit fermement qu’une injustice a été commise envers tous les étudiants de l’arabe. Selon l’étudiant,  le ‘Paper 1’ aurait pu être reprogrammé à une autre date, mais aucune mesure n’a été prise en ce sens. Par ailleurs, l’étudiant souligne que les examens du SC ont un rôle primordial en ce qui concerne l’avenir des élèves. « En tant qu’étudiant, je donne toujours le meilleur de moi-même dans mes études, mais dans cette situation, il est regrettable de dire que le ministère de l’Éducation a failli à ses devoirs. Nous n’avons eu aucun soutien de la part de personnes qui sont censées nous aider à construire notre parcours académique », fustige-t-il.

Nous avons vainement tenté d’entrer en contact avec le Mauritius Examinations Syndicate (MES) et avec le ministère de l’Éducation. Personne n’a retourné nos appels.

Pourquoi les élèves de l’arabe n’ont-ils pas appelés à passer les épreuves ultérieurement, comme ceux de l‘Hindi’ ?

Au moins une cinquantaine d’éducateurs d’arabe ont attiré l’attention des autorités sur le niveau du ‘Paper 2’. Ils ont fait part de ce problème dans une lettre adressée à la directrice du Mauritius Examinations Syndicate le 18 juin dernier.

Un enseignant rejoint les dénonciations des élèves en concédant que le MES avait consenti à un ‘bulk remarking’. Or, selon lui, le MES aurait pris contact avec certains élèves seulement pour l’exercice de ‘bulk remarking’ et aurait réclamé que ces élèves s’acquittent de ce ‘remarking’ à leur propre frais. L’enseignant se demande comment on peut faire un ‘remarking’ pour un papier auquel les élèves n’ont pas pris part, ‘remarking’ qui coûte Rs 11 000 par élève. Depuis, « ine fini arriv 8 semaines et ziska ler pa enkor tan narien ».

Il nous revient aussi que ce jour-là, bien que le papier ‘Hindi’ avait aussi été annulé, le MES a pris contact avec les étudiants concernés pour repasser l’examen. Pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas des élèves de la langue arabe ?

Est-ce la fin de la langue Arabe à Maurice ?

Plusieurs élèves voulant faire la langue arabe comme matière principale en HSC, voulant faire carrière dans cette matière plus tard, ont dû revoir leurs plans et leurs ambitions. N’ayant pas eu de ‘credit’ dans ce sujet, ils ont dû soit prendre cette matière comme ‘subsidiairy subject’ alors que d’autres doivent repasser les examens du SC. Ils craignent ainsi de ne pouvoir poursuivre leurs études universitaires dans cette langue, comme ils le souhaitaient. D’autres élèves du Grade 10, voulant faire l’arabe en SC, ne souhaitent plus le faire, apprenons-nous. Car ils ont peur maintenant d’échouer dans cette matière, comme l’ont été les étudiants ayant pris part aux derniers examens du SC. Ces graves anomalies dont ces étudiants ont été victimes risquent de causer des torts considérables à la langue arabe à Maurice. Est-ce ce que veulent les autorités ? En tout cas, la perception d’une injustice à l’égard de ces élèves issus de la communauté musulmane est flagrante. Qui défendra leur cause ?