Pétition électorale, symbole d’une démocratie vivante

« Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir ». Ceux qui refusent de croire que le résultat des élections aurait pu être faussé pour diverses raisons refusent de voir la réalité en face. Qualifier « d’hystérie » la décision de l’opposition parlementaire de contester ces législatives sans même connaître les raisons de cette démarche relève tout simplement de la mauvaise foi, pour ne pas dire de petitesse d’esprit, d’autant que le Commissaire électoral a lui-même reconnu que l’erreur est humaine, laissant ainsi planer le doute sur le déroulement du dernier exercice électoral. Que des membres du gouvernement fraîchement constitué tentent de minimiser ou même ridiculiser cette contestation légale, on peut le comprendre. Mais que ceux qui se disent être des chiens de garde des intérêts de la population abondent dans le même sens (pour se faire l’écho de leurs maîtres ?) est difficilement acceptable.

Autant qu’on le sache, on vit dans une démocratie et chacun est libre de prendre des actions qu’il juge nécessaire pour préserver ses droits, lutter contre une injustice ou chercher réparation s’il estime avoir été lésé.  En vertu de la section 45(1)(a)(ii) la « Representation of People Act »,  une pétition électorale est possible au cas où « the election was avoided by reason of bribery, treating, undue influence, illegal practice, irregularity or any reason ». C’est insensé et ridicule que d’accuser l’opposition de vouloir déstabiliser le pays simplement parce qu’elle a décidé d’avoir recours à la justice pour contester ces élections qui semblent avoir été truffées de manquements et d’irrégularités.

Comment peut-on être sûr que des « erreurs humaines » qui ont pu être commises n’ont pas influé sur le résultat des urnes sans un recours légal ? D’ailleurs, les aboyeurs pro-gouvernementaux devraient savoir que l’élection d’un certain Pravind Jugnauth au no. 8 en mars 2009, avec le soutien de Navin Ramgoolam, n’aurait jamais été possible si Raj Ringadoo, candidat malheureux du PTr, n’avait pas contesté l’élection d’Ashock Jugnauth de l’alliance MSM-MMM en 2005. C’était même la première fois qu’une élection est cassée pour motif de corruption.

L’on ne sait pas encore, à ce stade, quels seront exactement les arguments avancés par l’opposition pour soutenir sa pétition électorale. Mais les bulletins retrouvés dans la nature ainsi que les ‘deregistered voters’ devraient sans doute y figurer. Un candidat battu de Reform Party, Preetam Seewochurn, va encore plus loin. Il évoque un « bribe électoral massif » constitué de l’annonce de l’augmentation massive de la pension de vieillesse, la proposition d’accélérer la mise en application du rapport du PRB et la promesse de plus de Rs 3 milliards pour le paiement des détenteurs du SCBG et du BAM pour réclamer l’invalidation de l’élection d’Ivan Collendavelloo dans la circonscription no. 19 (Stanley/ Rose-Hill). La cour statuera, en temps et lieu, si ces annonces relevaient effectivement d’un bribe électoral ou pas.

Il convient aussi de souligner, en passant, que la décision de Pravind Jugnauth de nommer sa belle-sœur Shamila Sonah-Ori, également son avocate dans l’affaire Medpoint, au sein de l’Electoral Supervisory Commission (ESC) n’était pas anodine. C’était une tentative de Lakwizin de mettre le grappin sur cette Commission censée être indépendante. Ce qui présage une stratégie bien réfléchie pour tenter d’avoir la main haute sur la Commission électorale. Raison de plus pour laquelle les irrégularités notées durant les récentes élections ne devraient pas être prises à la légère.