Agressions à l’école : Les parents, les enseignants et la direction de l’école fuient-ils leurs responsabilités ?

Nous avons assisté ces derniers temps à des cas d’agressions dans le milieu scolaire. Or, c’est là une tendance qui devient inquiétante. Nous nous sommes focalisés sur un de ces cas d’agression, tandis que l’Ombudsperson for Children, Rita Vencatasamy et la psychologue Azeemah Beehary nous éclairent sur les causes de ce phénomène. Sont pointés du doigt : la fragilisation de la famille mauricienne et l’indifférence de certains parents, voire de la direction de l’école.

Sheila (nom fictif), une mère de famille, revient sur l’agression de sa fille de 12 ans, Selvina (nom fictif). L’incident a eu lieu dans une école dans le Sud du pays le 18 mai dernier. Selvina a été brutalisée par une camarade de classe après les heures de classe. Les conséquences de cette agression sont lourdes : Selvina a perdu une de ses dents et doit subir une opération chirurgicale pour l’implant d’une prothèse dentaire, selon son dentiste.

Selon la mère de la victime, ce n’est pas la première fois que sa fille a été agressée par cette camarade de classe. Celle-ci avait l’habitude de faire des plaisanteries aux dépens de Selvina en lui tapant sur la tête. Mais malheureusement, cette fois-ci, les choses ont dégénéré. La camarade de classe a violemment frappé Selvina au visage avec son ‘lunch bag’, qui contenait une gourde métallisée. Cette dernière s’est évanouie et saignait abondamment de la bouche. « C’est inacceptable ce qui s’est passé dans l’enceinte de l’école », fustige Sheila.

Les parents de l’élève violente n’ont même pas daigné présenter des excuses. Sa mère est devenue agressive lorsque Sheila a voulu réclamer une explication auprès d’elle. Elle dénonce aussi les agissements des responsables de l’école, qui semblent vouloir fuir leurs responsabilités. Selon Sheila, ces derniers lui avaient dit qu’ils ne veulent pas se mêler de cette affaire alors que cet incident s’est produit dans l’enceinte de l’établissement scolaire.

Une agression qui commence à la maison, mais qui déborde à l’école

L’Ombudsperson for Children, Rita Vencatasamy, nous confirme que les cas d’agression en milieu scolaire sont devenus fréquents, et que ses services suivent de près la situation. Selon elle, il y a une fragilisation des familles mauriciennes, vu l’absence d’encadrement des parents pour sensibiliser les enfants contre la violence. « Les parents doivent trouver plus de temps pour leurs enfants afin de mieux les encadrer pour que de telles choses ne se reproduisent plus », constate-t-elle. « Le monde a évolué drastiquement et les enfants sont laissés à leurs comptes par leurs parents, ce qui fait qu’ils ont tendance à faire ce qu’ils veulent faire. »

La psychologue Azeemah Beehary explique que l’agression physique consiste en des comportements tels que frapper, donner des coups de pied, mordre, pousser, empoigner, tirer, bousculer ou lancer des objets dans le cadre d’une interaction hostile. L’agression physique peut prendre la forme d’une agression proactive ou d’une agression réactive.

Lorsqu’une agression physique se produit sans provocation apparente, on parle d’agression proactive. En générale, les enfants se comportent ainsi dans le but d’obtenir un avantage, par exemple s’ils veulent acquérir un objet appartenant à un autre enfant, ou s’ils veulent l’intimider. À mesure que l’enfant grandit et que son cerveau se développe, ce type de comportement ce transforme en des actes mieux maitrisés et planifiés. L’enfant apprendra, par exemple, à choisir des victimes de plus petite taille que lui.

L’agression réactive, en revanche, se manifeste en réponse à une menace perçue ou à une provocation délibérée ou accidentelle. Ce type de comportement se produit lorsque l’enfant subit de nombreuses frustrations.

Le tempérament d’un individu est influencé par son héritage génétique et par l’environnement dans lequel il a grandi. Si durant la grossesse, la mère vivait dans un environnement toxique et menaçant, l’enfant qui naitra court le risque de développer un comportement agressif. En outre, la consommation d’alcool, ainsi que l’usage du tabac et de la cocaïne pendant la grossesse, sont associés à un risque accru de problèmes développementaux ou de comportement chez l’enfant. De plus, un environnement négatif à la maison (un environnement familial conflictuel, une ambiance tendue, des relations difficiles avec ses frères et sœurs ou autre membre de la famille) peut perturber l’enfant et causer chez lui une agressivité́.

Les enfants issus de familles où les comportements agressifs sont la norme chez les adultes ne disposent d’aucun modèle qui leur permettrait d’apprendre à modérer leurs propres tendances à l’agression. L’enfant peut par exemple apprendre de ses parents ou d’un autre membre de sa famille que les comportements agressifs sont normaux et constituent un moyen adéquat pour gérer son stress et sa frustration.

En outre, si à la maison, un enfant a tendance à utiliser son agressivité́ pour que ses parents cèdent face à lui, il sera alors conforté dans son comportement agressif, et sera encouragé à se comporter de cette même manière à l’école avec ses amis. Qui plus est, l’agressivité́ chez un enfant est liée à des sentiments négatifs tel que le rejet ou un manque d’attention.

Quels sont les solutions envisageables ? À l’école, si un(e) enseignant(e) constate qu’un enfant est agressif en classe ou avec ses amis, il faudrait qu’il ou elle en parle avec l’enfant ainsi qu’aux parents. Il est aussi important d’avertir la direction d’école pour trouver ensemble une solution. Mais hélas, il semblerait que certaines écoles pratiqueraient une politique de l’autruche face à ce problème…