Budget 2022/2023 : Les acteurs des PME, de l’agriculture et de la pêche restent sur leur faim

Le budget 2022-2023 répond-il aux attentes des divers segments de l’économie mauricienne ? Nous nous sommes focalisés sur trois secteurs clés de notre économie, à savoir le secteur des PME, le secteur agricole et celui de la pêche. De façon générale, nos intervenants s’accordent à dire que les problèmes sectoriels n’ont pas été adressés en profondeur dans le budget, et ils restent dubitatifs quant à l’implémentation des mesures annoncées.

Secteur des PME

« Pas vraiment de relance »

Amar Deerpalsing, le président de la Fédération des PME, nous indique que les PME sont déjà grandement en difficulté. Selon lui, les aides financières annoncées pèseront lourdement encore une fois sur les PME. Il maintient que le gouvernement est en train d’aider les entreprises qui sont déjà opérationnelles. Il pense grosso modo qu’il n’y a pas vraiment de relance du secteur des PME et que « le budget montre un manque de considération de la part du gouvernement envers les PME en difficulté ».

Il nous dit qu’il s’attendait plus à des mesures de redressement pour que les petits et moyens entrepreneurs puissent faire face à leurs problèmes actuels. « On s’attendait à ce que le ministre des Finances allait fournir plus d’efforts en ce qui concerne les PME. Depuis l’avènement de la covid-19, le travail n’a pas vraiment repris pour de nombreuses PME et on gardait espoir que le ministre allait voir en profondeur les problèmes auxquels les PME sont confrontées mais cela n’a a été le cas », selon lui.

Quid des mesures annoncées ? « Cela reste à voir si les mesures qui ont été évoquées seront implémentées dans les jours à venir », lâche-t-il. Selon lui, si les mesures annoncées sont implémentées dans les plus brefs délais, cela pourrait aider à une certaine relance de certaines PME, mais si l’implémentation prend du temps, il se pourrait que de nombreuses PME mettront la clé sous le paillasson. Selon lui, le ministre n’a pas été précis en ce qui concerne le ‘time frame’ de l’implémentation des mesures annoncées. Qui plus est, on ne sait pas encore sous quelles conditions ces mesures seront implémentées. « Nou bizin geter dan implementation kouma sa pou passé », conclut-il. « Ce n’est qu’à partir de ce moment que les PME pourront décider de la marche à suivre. » 

Sur un autre point, Amar Deerpalsing s’attendait à un budget de relance où on allait relancer vraiment l’économie mais malheureusement selon lui, cela n’a pas été le cas. « Je ne trouve pas que l’économie sera relancée avec ce budget. J’estime que les mesures annoncées ne permettront pas à l’économie de redécoller », dit-il.

Secteur agricole

« Ce budget n’aidera en rien les petits planteurs »

Les planteurs ne voient pas vraiment d’un bon œil ce qui a été annoncé dans le budget. Farhad Jugon, planteur de pommes de terre, et porte-parole des planteurs du Sud au sein de la ‘Small Planters Association’ (SPA), nous dit tout de go que « les mesures phares annoncées dans le Budget 2022 n’aideront pas à la relance du secteur agricole. Il faillait revoir les stratégies pour ce secteur en profondeur. Ce budget n’aidera en rien les petits planteurs. Il n’y a aucun allègement pour les petits planteurs. Il n’y a aucune facilité pour nous », martèle-t-il.

Quid des mesures existantes dans le budget pour le secteur agricole ? « L’an dernier, les mêmes mesures avaient été évoquées mais rien n’a été fait et rien n’a été mis sur pied jusqu’ici », dénonce-t-il. « La plupart des fois, les mesures évoquées ne sont généralement pas implémentées. Ils ne font que des belles promesses qui ne seront pas réalisées dans l’avenir. » 

Dans ce contexte, il est revenu sur les subventions de l’ordre de 75 % sur les semences de pommes de terre mis en vente par l’Agricultural Marketing Board (AMB). Selon lui, ces semences ne sont pas de bonne qualité et qui plus est, il faut passer par de nombreuses procédures afin de les obtenir. Farhad Jugon nous explique ainsi qu’il avait pris un emprunt à la Maubank en 2019 pour investir dans la plantation de pommes de terre mais malheureusement, il s’est lourdement endetté car il n’a pas eu de bonnes récoltes avec les semences qu’il avait achetées auprès de l’AMB.

Farhad Jugon fait ressortir qu’il fallait impérativement subsidier les pesticides car leurs prix sont exorbitants. « La hausse des prix des fertilisants et des pesticides ne permettront pas aux petits planteurs de faire rouler leur plantation », avance-t-il. « Même si on sait que ces produits sont néfastes, il faudra quand même, quelque part, les utiliser car il y a plusieurs facteurs qui nuisent aux plantations », soutient-il. Selon lui, « à plusieurs reprises, nous avons évoqué les problèmes auxquels nous faisons face mais le ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, a toujours fait la sourde oreille face à nos doléances ». 

Ce qui fait selon lui que les pommes de terre et les oignons se vendront très cher à travers le pays dans les temps à venir car les planteurs ne peuvent faire rouler leurs plantations comme il se doit.

Secteur de la pêche

« L’aquaculture, pas une nécessité pour l’heure », selon Judex Rampaul

Comme annoncé par le ministre Renganaden Padayachy, une subvention pour l’acquisition de navires pour la pêche semi-industrielle sera mise sur pied, et une somme de 4 à 6 millions de roupies seront investies dans ce projet. Pour Judex Rampaul, « C’est une bonne initiative mais à quoi bon s’il n’est pas implémenté ? Les mesures annoncées doivent prendre effet immédiatement, et les pêcheurs ne doivent pas attendre des années pour que ces mesures soient mises sur pied. Car il faut savoir que les pêcheurs sont dans une situation noire et il faut mettre en action ce qui a été annoncé. » 

En ce qui concerne les six barachois qui seront mis à disposition pour la production de crabes et de crevettes, Judex Rampaul avance qu’il faudrait donner la chance aux pêcheurs ou à des sociétés coopératives de gérer ces barachois. Parlant des 500 cartes additionnelles qui seront allouées aux pêcheurs, il soutient que ces cartes doivent être fournies uniquement aux pêcheurs professionnels.

Le ministre Padayachy a aussi annoncé qu’il y aura quatre sites qui seront alloués à l’aquaculture hors-lagon mais Judex Rampaul est catégorique sur ce point : selon lui, c’est une perte de temps. Il lance un appel au ministre de ne pas s’aventurer dans ce projet car cela ne sera nullement profitable pour le pays. Notre interlocuteur estime que nous faisons déjà l’aquaculture dans le sud du pays mais il n’y a pas eu le moindre rapport à ce jour pour déterminer si ce projet est sur la bonne voie. « En quoi les pêcheurs bénéficient-ils avec ce projet d’aquaculture ? Investir dans l’aquaculture n’est pas une nécessité pour l’heure », maintient-il. « Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une crise alimentaire », fait ressortir le syndicaliste.