Élections municipales renvoyées pour 2023

Démocratie en otage

  • La peur d’un « batté bef » dans les villes fait fuir le gouvernement

Comme on le sait, les élections municipales qui devaient se tenir cette année ont été renvoyées pour 2023, comme l’a fait ressortir le Premier ministre à Camp-Diable le jeudi 14 avril 2022, lors d’une cérémonie tenue en marge du nouvel an tamoul. Lors d’une visite au rondpoint du Quai D à Port Louis, Pravind Jugnauth a indiqué que la décision de renvoyer les élections municipales a été prise pour le bien-être de la population. Il avance ainsi que son gouvernement est très soucieux en ce qui concerne la santé de la population, et c’est pour cette raison que les élections municipales ont été renvoyées. Il affirme qu’avec les restrictions sanitaires en vigueur dans le pays, il ne peut y avoir des rassemblements de plus de 50 personnes. « Nous sommes, avec le monde entier, dans une situation difficile avec la covid-19 et la guerre en Ukraine », a fait ressortir le PM face aux questions de la presse.

Il faut dire que cette décision a fait l’effet d’une bombe au sein de l’Opposition, dont les partis attendaient avec impatience d’en découdre avec le gouvernement le jour du scrutin municipal. Naturellement, les interrogations ne manquent pas : le gouvernement a-t-il eu peur par rapport à la tenue des élections municipales où un « batté bef » du pouvoir en place n’était pas à écarter ? Peut-on se servir de la pandémie de covid-19 comme prétexte pour ne pas tenir ces élections ? Il faut noter que malgré la pandémie, les élections régionales ont bien été organisées à Rodrigues, alors que la situation était préoccupante sur le plan sanitaire par rapport à la covid-19. Dans d’autres pays aussi d’ailleurs, des élections ont bien eu lieu malgré les conditions sanitaires.

Jocelyn Chan Low : « Et si la situation ne s’améliore pas l’année prochaine ? »

L’historien et l’observateur politique Jocelyn Chan Low explique que les raisons avancées par le gouvernement tournent principalement autour de la pandémie de covid-19. Toutefois, selon lui, il est peu probable que la situation sur le plan sanitaire s’améliorera de façon significative l’année prochaine. « Le gouvernement a prétendument peur d’une autre vague de covid-19. Selon le gouvernement, si on organise des élections municipales, il y aura un relâchement des restrictions sanitaires et le pays pourra faire face à une autre vague de covid-19, ce qui sera au détriment de la population. Mais il est probable que la situation sanitaire ne sera pas réglée d’aussitôt. » Il se demande ainsi ce qui se passera l’année prochaine.

Le PTr : « Le gouvernement fuit ses responsabilités »

Arvin Boolell, le chef de file du Parti travailliste (Ptr) au Parlement, est d’avis que le gouvernement a peur de faire face à la population. Il nous indique que c’est la situation politique, économique et sociale qui fait que le gouvernement renvoie les élections municipales. « C’est une méthode pour le régime de fuir ses responsabilités », dit-il. Il ajoute qu’il est fort probable que nous sommes sur le chemin d’élections générales anticipées. « Rien n’est impossible avec ce régime », dit-il. Municipales ou pas, le Parti Travailliste continuera son travail sur le terrain, ajoute-t-il.

Shakeel Mohamed affirme, lui, ne pas être surpris par le renvoi des municipales. Selon lui, le gouvernement sait déjà qu’il y aurait eu un changement drastique au niveau des municipalités après le scrutin municipal si celui-ci avait été maintenu. « Le gouvernement ne veut pas être délogé. C’est clair et net que ce gouvernement allait certainement perdre les élections municipales car il a failli dans tous les sens. » Pour le député travailliste du no. 3, il y a là un « viol de la démocratie » et il demande aux citoyens de prendre note que le gouvernement a essayé de « violer leur droit de vote et leur droit de choisir ».

Patrick Assirvaden abonde dans le même sens. « Le gouvernement de Pravind Jugnauth s’est défilé. La covid-19 est devenue un prétexte commode », condamne-t-il. Il avance que « le gouvernement est en train de se sauver car il n’a pas le courage d’affronter encore une fois la population ». Les implications sont que les conseils municipaux ne fonctionnent pas comme il se doit. « C’est grave pour la démocratie », fustige-t-il. Il affirme qu’avec le régime actuel, il n’y a « aucun respect pour la Constitution ou pour la démocratie ».

L’Entente de l’Espoir : « Excuse pitoyable »

Xavier Luc Duval, leader de l’Opposition et du PMSD, soutient également que la crise sanitaire n’est pas une excuse pour renvoyer les élections municipales. Pour lui, la covid-19 est utilisée comme une « excuse pitoyable » car le gouvernement ne veut pas affronter l’électorat et la population. Il affirme que la situation dans le pays n’est pas en faveur du gouvernement, et que c’est pour cela qu’il prend des décisions pareilles. Encore une fois, il lance un appel pressant au Premier ministre pour que les élections municipales se tiennent cette année-ci.

Le leader du MMM et un des dirigeants de l’Entente de l’Espoir, Paul Bérenger, ne mâche pas non plus ses mots contre le gouvernement. « Pe sové », a-t-il martelé durant la conférence de presse hebdomadaire de l’Entente de l’Espoir, hier. Mais celui-ci, a-t-il insisté, n’abandonnera pas le travail qu’il a entamé. Rajesh Bhagwan, le secrétaire-général du MMM, nous indique, pour sa part, que son parti n’accepte pas la décision du gouvernement de renvoyer les élections municipales. « C’est une honte pour Pravind Jugnauth et son gouvernement », fustige-t-il. Il n’hésite pas à qualifier ce dernier de « capon ». Le Premier ministre sait déjà dans quelle situation se trouve son gouvernement, qu’il qualifie de « gouvernement galimatias ». Pour le MMM, « le pays connait une descente aux enfers », et que le PMse montre « arrogant et insensible » face à la situation dans le pays.

Nando Bodha, le leader du Rassemblement Mauricien et un des dirigeants de l’Entente de l’Espoir, nous indique que c’était prévisible que ce gouvernement allait tout faire pour retarder les élections municipales. Selon lui, Pravind Jugnauth et son régime est confronté à une véritable colère de la population face aux flambées des prix, aux scandales et aux gaspillages des fonds publics, qui sont légion. « Il a peur d’affronter la population. C’est clair que la covid-19 n’est qu’un prétexte purement politique. C’est un calcul et une stratégie pour démobiliser l’Opposition mais personne n’est dupe. Nous avons un gouvernement vulnérable », souligne-t-il.

Ce qui explique, selon lui, la répression utilisée par le gouvernement, notamment contre les conseillers du village de Plaine-Magnien. Il est d’avis que Pravind Jugnauth et son gouvernement sont devenus « les fossoyeurs des droits démocratiques des Mauriciens. » Dans ce contexte, le règlement interdisant les rassemblements de plus de 50 personnes est devenu un instrument de répression entre les mains du gouvernement, ce qui pénalise toute l’Opposition.

Dev Sunassy : « Le gouvernement bafoue la démocratie »

Pour Dev Sunassy, membre de ‘Linion Pep Morisien’, il y a une « frayeur » au sein du gouvernement, ce qui le pousse de ne pas maintenir les élections municipales. Ce dernier avance que le gouvernement fait tout pour renvoyer les élections municipales ad aeternam, bafouant ainsi les droits démocratiques des citoyens mauriciens, en utilisant comme prétexte la pandémie. Il fait remarquer que les élections régionales ont bien eu lieu à Rodrigues, malgré des conditions sanitaires strictes. « Gouvernement pe viole démocratie enkor ene fwa », dénonce-t-il.