Le soulagement du peuple devient impératif

Alors que les manifestations se poursuivent

Plusieurs manifestations dénonçant les hausses des prix ont eu lieu durant la semaine écoulée, et il est à craindre que ces manifestations ne prennent de l’ampleur dans le pays. Selon Vasant Bunwaree, ancien ministre des Finances travailliste, les hausses de prix se révèlent catastrophiques pour le pays. Il constate que certains prix augmentent de manière consécutive et que la population est en train de subir ces coûts exorbitants subitement. Il soutient que dans certains cas, il y a des raisons valables pour l’augmentation des prix, mais que le gouvernement doit faire preuve de transparence et fournir toutes les informations à la population. Il souligne néanmoins que « le gouvernement doit venir avec des raisons valables pour justifier ces hausses ».

Réduction de la TVA

Quelles mesures le gouvernement peut-il envisager ? L’ancien ministre indique qu’il faudra voir avant tout quels sont les facteurs qui provoquent cette hausse des prix. Ensuite, il faut démarquer les diverses strates de la population pour identifier ceux qui sont en difficulté. « Il faut donner une priorité aux personnes au bas de l’échelle en fonction de l’impact de ces hausses des prix », explique-t-il. En ce qui concerne la TVA, l’ancien ministre des Finances avance que le gouvernement peut envisager de diminuer le taux de la TVA, qui est de 15 % actuellement, du moins pour quelques temps, jusqu’à ce que la situation revienne à la normale. Il suggère aussi que le gouvernement se penche sur une compensation salariale et une révision à la hausse du salaire minimum pour que la population puisse subvenir à ses besoins. 

Il lance un appel pressant au gouvernement d’assumer leur responsabilité et de venir avec des mesures concrètes pour venir en aide à la population. Il dit craindre que si cette situation persiste, cela pourrait résulter dans des problèmes sociaux, tels qu’une recrudescence dans le nombre de vols et de vols avec violence, voire même dans des homicides liés aux vols

« D’autres répercussions à venir »

L’économiste Manisha Dookhony nous explique que « la population est en train de faire face à des difficultés très visibles car les prix ont augmenté de façon vertigineuse. On se retrouve avec une inflation à deux chiffres, et ce n’est pas possible d’aller de l’avant avec cela. » Elle avertit qu’il y aura « d’autres répercussions à venir, et qui auront un impact direct sur les familles au bas de l’échelle. »

Selon elle, outre la montée des prix, il faudrait aussi garder en tête que beaucoup de gens ont perdu leurs emplois avec l’avènement de la pandémie de covid-19, notamment dans le secteur touristique et dans le secteur des PME, entre autres. Bien qu’il y ait eu un soutien de la part du gouvernement sous le ‘Wage Assistance Scheme’ (WAS) et sous le ‘Self-Employed Assistance Scheme’ (SEAS), ce n’est pas tout le monde qui a pu bénéficier de ces plans d’aide. Les gens doivent ainsi faire une croix sur plusieurs dépenses. Mais plus grave, d’autres ne peuvent même plus faire face à des dépenses essentielles, comme la nourriture et le loyer. « Certaines personnes ne peuvent plus manger à leur faim, ce qui fait que leur situation est devenue très difficile », dit-elle.

Se référant aux manifestations qui ont eu lieu ces derniers temps, l’économiste explique qu’il est clair que ces agissements sont dus à la frustration de la population, dont une partie importante qui ne peut plus faire face à la cherté de la vie. « Ceux qui ont manifesté sont sans doute des personnes qui ne peuvent plus joindre les deux bouts. Ils n’arrivent pas trouver une solution pour sortir de cette crise », analyse-t-elle.

Y a-t-il des solutions que le gouvernement peut envisager ? Celle-ci nous dit d’emblée que « le gouvernement doit premièrement être à l’écoute des gens, ce qui est la chose la plus importante à faire. » En ce qui concerne la hausse des produits pétroliers, l’économiste nous explique que le gouvernement doit revoir ses calculs avant d’imposer toute hausse des prix des carburants. Elle n’est ainsi pas convaincue que ces dernières hausses étaient inévitables.

Ciblage

En deuxième lieu, elle soutient que le gouvernement doit venir avec une stratégie de ciblage pour venir en aide aux plus démunis. Selon elle, le ciblage peut aujourd’hui se faire d’une façon très précise car le pays a évolué en termes de technologie. Sur ce plan, nous avons tous les moyens pour mettre en œuvre le ciblage. « Le ciblage n’est pas un travail impossible à abattre mais il faudra que le gouvernement travaille davantage sur cette idée », maintient-elle.

D’autre part, elle plaide également, tout comme Vasant Bunwaree, pour que le gouvernement revoie la taxe à valeur ajoutée (TVA) sur certains produits. Par exemple, le beurre, le lait, la farine et les pates sont des produits très en demande. Réduire ou abolir la TVA sur ces produits de consommation courante permettrait d’alléger le fardeau de la classe moyenne. Pour pallier à tout déficit, le gouvernement pourra alors imposer la TVA sur d’autres produits qui ne sont pas essentiels. Elle explique aussi qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un taux uniforme de 15 % en ce qui concerne la TVA. Ce taux pourrait varier dépendant du produit.

« Avec des mesures comme celles-là, le gouvernement peut apporter un changement au niveau des prix des produits », conclut-elle.

« La population est frustrée »

« Il faut comprendre a priori que les gens ne veulent pas se bagarrer ou descendre dans les rues. Pour qu’ils le fassent, il faudrait que la situation soit grave », nous dit pour sa part le sociologue Ibrahim Koodoruth. « Il est clair que la population est frustrée car beaucoup de personnes ne peuvent plus joindre les deux bouts avec la hausse des prix des denrées alimentaires ».

Doit-on craindre un embrasement social si cette situation persiste ? Le sociologue ne veut pas trop se prononcer sur cela, mais dit qu’il est clair que sur le plan économique, la situation ne sera pas remédiée d’aussitôt. Il est d’avis que le gouvernement doit venir avec des mesures concrètes pour venir en aide aux personnes au bas de l’échelle. « Le gouvernement doit trouver un moyen pour stabiliser les prix des denrées alimentaires et ceux d’autres produits essentiels pour soulager la population », dit-il. À plus long terme, il avance que le gouvernement doit venir avec une politique de justice sociale pour réduire les inégalités dans la société mauricienne.