« Mission officielle » non-approuvée par le PMO

Le chairman contraint d’écourter son voyage « privé » mais « payé » par l’ICTA

  • Un ‘Purchase Order’ émis par l’organisme prouve que les frais des billets d’avion en classe affaires, totalisant Rs 169 435, ont bel et bien été encourus par l’ICTA pour une mission officielle de Dick Ng Sui Wa en France et en Espagne du 15 février au 4 mars 2022
  • Y a-t-il eu une tentative du PMO d’induire le Parlement en erreur et de faire un « cover-up » pour protéger ce nominé politique qui se qualifie ouvertement comme étant un « représentant du gouvernement » alors qu’il préside un organisme supposément indépendant ?

Un voyage de Dick Ng Sui Wa, chairman de l’‘Information and Communication Technologies Authority’ (ICTA), est au centre d’une polémique. Ce qui devait être une mission officielle, avec tous les frais, incluant les per diem, payés par l’organisme en question, a finalement été traitée comme un voyage privé. Histoire de ne pas ébruiter l’affaire et embarrasser l’ICTA ou le gouvernement. Et pour cause ! La mission n’avait pas été, au préalable, approuvée par le ‘Prime Minister’s Office’ (PMO). Le hic, c’est que l’ICTA avait déjà émis un ‘Purchase Order’ (PO) pour l’achat des billets d’avion y relatifs. Et que le chairman avait déjà mis le cap sur la France où il a même eu des rencontres officielles, sans la bénédiction du PMO. Ayant eu vent que le bureau du Premier ministre n’approuvait pas cette démarche, le chairman a dû écourter son séjour et rentrer au pays en quatrième vitesse.

Cette affaire a été abordée par le député Rajesh Bhagwan à l’Assemblée nationale, le mardi 19 avril 2022. Il voulait savoir si la mission officielle de Dick Ng Sui Wa en France du 21 au 24 février 2022 avait été approuvée par le PMO, comme stipulé par les règlements établis, et le montant des per diem que le chairman a perçu. Lui répondant, le Premier ministre par intérim, Steven Obeegadoo, a soutenu que cette mission n’avait pas obtenu le feu vert du PMO. De ce fait, aucun frais n’a été encouru par l’organisme ou l’État, a-t-il affirmé à une question supplémentaire du député mauve qui cherchait à savoir qui a payé pour les billets d’avion.

« Voyage privé » rythmé de rencontres officielles

« I am given to understand that this was not an official mission and, therefore, Mr D. N. S. W., in as much as he travelled privately, would be responsible for any cost attendant to his trip », a répondu Steven Obeegadoo. Ce dernier devait néanmoins préciser que Dick Ng Sui Wa a bel et bien eu des rencontres officielles au cours de ce voyage prétendument privé. Cela, a-t-il justifié, en raison des liens d’amitié et des relations de travail de longue date qui existent entre l’ICTA et diverses autorités françaises, dont l’ANFR, l’ARCEP et l’ARCOM.

Le chairman de l’ICTA a ainsi rencontré, selon le PM p.i., Gilles Brégant et Jean-Pierre Le Pesteur, respectivement DG et président de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) ainsi que Laure de La Raudière, présidente de l’Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP) et Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Or, ces sessions de travail, apprenons-nous, auraient été déjà planifiées en avance par l’ICTA.

‘Purchase Order’ vérifié et approuvé

Là où les choses se corsent pour Dick Ng Sui Wa, c’est que ce déplacement n’avait rien de privé. La preuve, c’est que la mission avait été évoquée lors d’une réunion du conseil d’administration de l’ICTA. Mais le board n’ayant pas les pouvoirs de donner son assentiment à une mission à l’étranger sans l’approbation du ministère de tutelle, une requête aurait été envoyée au PMO. Sauf qu’entretemps, la section finances de l’ICTA, a, pour une raison ou une autre, jugé bon d’approuver et d’émettre un ‘Purchase Order’ trois semaines avant ledit voyage pour l’achat des billets d’avion du chairman auprès d’Atom Travel Services. Et cela sans que le PMO ne soit mis au courant.

Ce ‘Purchase Order’ (No. PO002568) est daté du 21 janvier 2022. Il a visiblement été préparé et vérifié par deux officiers dont les noms figurent sur le PO. Par contre, on ne sait pas qui l’a approuvé, car bien qu’une signature y figure, le nom de l’officier ou du cadre en question n’y est pas mentionné. Selon ce PO, les billets d’avion, émis clairement au nom de Dick Ng Sui Wa, ont coûté Rs 168 035, excluant les frais d’assurance de voyage qui s’élèvent à Rs 1 400. Ce qui ramène le montant total à Rs 169 435. Une somme payée par l’ICTA alors que le Premier ministre suppléant Steven Obeegadoo a affirmé au Parlement qu’aucun frais n’a été payé par l’ICTA ou par le gouvernement. D’où la question qui se pose : y a-t-il eu une tentative de ‘cover-up’ au PMO, après que celui-ci ait été mis au parfum ? Steven Obeegadoo était-il au courant de cette manœuvre ? Y a-t-il eu une tentative, délibérée ou pas, d’induire le Parlement en erreur ?

Voyage écourté en France et avorté en Espagne

Tandis que la réponse officielle de Steven Obeegadoo au Parlement fait mention d’un voyage du 21 au 24 février 2022, il s’avère qu’il devait être bien plus long que ça. Selon le « booking ref : VEE214 » effectué par ATOM Travel Service au nom de Dick Ng Sui Wa le 21 janvier 2022, ce dernier devait embarquer à bord d’un vol d’Air Mauritius, en classe affaires, en direction de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris le 15 février. Il devait ensuite prendre un autre vol à l’aéroport Charles de Gaulle, toujours en classe affaires, le 27 février pour se rendre à Barcelone en Espagne où il devait séjourner jusqu’au 4 mars. À cette date, le chairman de l’ICTA devait prendre encore un autre vol pour retourner à Paris avant d’embarquer, le même jour, pour Maurice. Il devait en principe atterrir au pays le 5 mars dernier.

Mais les choses ne s’étant pas passées comme prévues, avec le veto du PMO, il nous revient que Dick Ng Sui Wa a dû écourter son voyage en France, tout en avortant son séjour en Espagne. Depuis, c’est le branle-bas au 12ème étage du Celicourt Tower, mais aussi au PMO, où l’affaire s’est répandue comme une traînée de poudre. Une enquête sera-t-elle instituée pour savoir si le chairman a outrepassé ses prérogatives ? Attendons voir…