Pétition électorale de Jenny Adebiro : La Commission électorale prise à son propre piège

Après que Jenny Adebiro, candidate battue du MMM aux législatives de 2019, ait démontré en cour des graves irrégularités dans le ‘Recapitulative Sheet’ (un document utilisé par les officiers de la Commission électorale pour comptabiliser le nombre total de votes dans un centre de dépouillement), la Cour suprême devra normalement ordonner un ‘recount’ des voix dans la circonscription no 19, comme demandé par la pétitionnaire.

En effet, le Commissaire électoral et les autres défendeurs, dont l’Electoral Supervisory Commission (ESC), le ‘Returning Officer’ et Ivan Collendavelloo, devaient expliquer qu’ils n’ont pas d’objection à cette demande de ‘recount’. Ce qui fait que la Cour suprême doit en principe émettre un jugement dans le sens demandé par la requérante, s’il n’y a pas d’objection de la partie adverse.

Toutefois, comme nous l’a fait ressortir Me Sanjay Bhuckory (qui avait représenté le pétitionnaire Raj Ringadoo lors de l’invalidation de l’élection d’Ashok Jugnauth), il y a toujours un élément d’incertitude, vu que Jenny Adebiro avait demandé dans sa pétition un recomptage sur des irrégularités entourant le ‘computer room’ et non sur les irrégularités entourant le ‘Recapitulative Sheet’.

Si jamais un ‘recount’ est ordonné par la Cour suprême, plusieurs scénarios peuvent être envisagées.

Premièrement, si Ivan Collendavelloo conserve son écart sur Jenny Adebiro, la pétition électorale sera rejetée et ce sera ‘back to square one’.

Le scénario le plus intéressant, toutefois, est qu’arrivera-t-il si jamais Jenny Adebiro recueille plus de voix qu’Ivan Collendavelloo lors du ‘recount’? Dans ce cas-ci, la Cour suprême invalidera l’élection de celui-ci et déclarera Jenny Adebiro comme élue. Ivan Collendaveloo sera alors en 4e position.

Or, en fonction de ce nouveau résultat, cela pourra remettra en question la liste des huit députés correctifs qui ont été nommés sous le système de ‘best loser’ si Ivan Collendavelloo est le ‘most succesful unreturned candidate’ par rapport à d’autres ‘best losers’, l’un des critères prévus par la Constitution pour nommer ces derniers.

Il est alors envisageable qu’Ivan Collendavelloo devienne ‘best loser’ à la place du candidat ou de la candidate qui a recueilli le plus faible du nombre de voix parmi les ‘best losers’ et qui, comme Collendavelloo, est issu de la ‘General Population’. Un nom revient sur toutes les lèvres : celui de Tania Diolle.

Pour rappel, il y a eu une vive stupeur en Cour suprême ce 12 janvier devant les juges Aruna Narain et Denis Mootoo.

Jenny Adebiro demandait un ‘recount’ dans la circonscription no 19 (Stanley/Rose-Hill) par le biais d’une pétition électorale qu’elle avait déposée en cour le 28 novembre 2019. Ivan Collendavelloo, du Muvman Liberater, l’avait devancée de 92 voix. Le point de mire de Jenny Adebiro : le fameux ‘computer room’ dans le centre de dépouillement.

La Commission électorale, l’Electoral Supervisory Commission (ESC), le ‘Returning Officer’ et Ivan Collendavelloo contestaient cette demande. Selon eux, la ‘computer room’ n’a pas servi aux décompte des voix. Ils devaient expliquer dans leur ‘plea’ que le décompte est effectué par le ‘Returning Officer’ sur un document intitulé ‘Recapitulative Sheet’ qui indique le nombre de voix obtenues par chaque candidat dans chaque salle de décompte.

La Commission électorale sera prise à son propre piège. Ses hommes de loi ont fait parvenir ce lundi 10 janvier le ‘Recapitulative Sheet’ aux avocats de Jenny Adbiro, pour leur démontrer que leurs arguments sur la ‘computer room’ ne tenaient pas la route. Or, ces derniers vont vite déceler des anomalies dans ce document.

Ainsi, vu qu’un bulletin de vote n’est valide que lorsqu’il y a trois votes, il en découle que le nombre total des votes recueillis dans chaque salle de décompte doit être divisible par trois. Or dans 18 des 25 salles de décompte, le nombre total de votes n’est pas divisible par trois… Ce qui veut forcément dire qu’il y a eu des erreurs.

Ce mercredi 13 janvier, le ‘Deputy Chief Electoral Officer’, Darmajai Mulloo a concédé qu’il y a eu des irrégularités. Le Commissaire électoral, Irfan Rahman, arrivé en 4e vitesse de Rodrigues, devait dire en Cour qu’il n’objectait pas à la demande de ‘recount’ de Jenny Adebiro. Il est vite suivi par les autres défendeurs.

Quid des autres pétitions électorales ?

Deux autres pétitions où l’on avait demandé un ‘recount’ pourront faire parler d’eux dans les jours qui viennent. Il s’agit de celle de Cader Sayed-Hossen et de celle d’Adrien Duval.

Cader Sayed-Hossen, candidat battu de l’Alliance nationale aux législatives de 2019, avait déposé une pétition électorale réclamant l’invalidation de l’élection de Serge Gilbert Bablee dans la circonscription  no 15. 

Il est envisageable qu’il réoriente sa stratégie sur le plan légal en fonction du ‘Recapitulative Sheet’ qui a été utilisée par le ‘Returning Officer’ de sa circonscription et qu’il demande l’autorisation de la cour pour qu’il puisse apporter de nouveaux éléments.

Adrien Duval, candidat battu de l’Alliance Nationale dans la circonscription no 17 (Curepipe-Midlands), avait lui aussi déposé une pétition électorale demandant un ‘recount’. Tout comme Jenny Adebiro, il s’était focalisé sur les irrégularités entourant le ‘computer room’ à l’école Saint-Jean Bosco. Les auditions des témoins et les plaidoiries avaient pris fin vers novembre 2021, et un jugement est toujours attendu dans cette affaire.

Mais Me Sanjay Bhuckory nous indique que selon lui, il n’est pas trop tard et qu’Adrien Duval peut, par voie de motion, demander aux juges avant qu’ils ne prononcent leur jugement, de lui permettre d’apporter de nouveaux éléments, par rapport au ‘Recapitulative Sheet’ qui a été utilisée dans le centre de dépouillement de la circonscription no 17.

Bérenger attend le verdict avant de se prononcer

Le leader du MMM, Paul Bérenger, n’a pas souhaité commenter le développement dans cette affaire lors de sa conférence de presse, hier. Il préfère attendre que la Cour donne son verdict avant de se prononcer, cela par respect pour le judiciaire.