Pravind Jugnauth : Esseulé, acculé, désorienté

Un homme blessé. C’est ce que Pravind Jugnauth dit être. Parce que celui qu’il pensait pouvoir faire confiance l’a trahi. Il est aussi frustré. C’est le Premier ministre même qui le dit encore une fois. Car le Speaker ne lui a pas donné la chance de répondre aux questions supplémentaires du leader de l’Opposition au Parlement, mardi. Mais ce que Pravind Jugnauth ne dit pas, c’est qu’il est aussi acculé. Par nul autre que des membres de son propre gouvernement, quoique derrière son dos. Puisqu’un profond sentiment de malaise ronge certains élus, dont des ‘Senior Ministers’ suivant les agissements du Speaker, accusé d’avoir agi de concert avec le chef du gouvernement pour bâillonner Xavier Duval durant la dernière ‘Private Notice Question’ (PNQ), mais aussi par les scandales incessants. Des facteurs qui font de Pravind Jugnauth un homme, un leader, un Premier ministre, de plus en plus esseulé, isolé dans sa tour d’ivoire, en dépit de démonstration de force du MSM au Sun Trust hier, et malgré la présence constante de Lakwizinn à ses côtés.

Ses pouvoirs, semble-t-il, sont justement accaparés par cette clique connue comme Lakwizinn, et dont il ne fait même pas partie ! Son nom n’a, en tout cas, pas été cité par son ancien compagnon Sherry Singh qui s’est fait un devoir d’énumérer les noms des top-chefs et sous-chefs. Ce même Sherry Singh qui dit ne plus reconnaître Pravind Jugnauth à cause de son arrogance alors qu’il l’a aidé à « build up son image ». Pour faire du « jukal » qu’il était, selon le terme employé par l’ancien CEO de Mauritius Telecom, un Premier ministre présentable. Quoique l’homme n’a jamais vraiment été à la hauteur de ses fonctions. En dépit du « building up » dont il a été soumis. Malgré les pouvoirs accrus dont il s’est octroyé en accaparant toutes les institutions possibles. Une puissance qui l’a rendu méprisant aux yeux de nombreux de ceux qui le soutenaient. À l’instar de Roshi Bhadain qui lui faisait naguère de baisemain. Ou encore Sherry Singh lui-même. Toutefois, cette arrogance qui pouvait auparavant se lire sur le visage de Pravind Jugnauth a maintenant disparu. Du moins temporairement.

Celui qui est apparu devant les caméras des médias cette semaine semble être plus tracassé. Ses traits tirés défient son semblant de ‘cool’ et laissent apparaître son tourment. Il est désorienté et est désormais pris dans un étau. Plus il parle, plus il s’enfonce dans la mélasse. Ainsi, après les premières dénégations catégoriques, il a été contraint de venir s’expliquer sur ce fameux appel téléphonique datant du 15 avril 2022. En confirmant qu’il a bien été question d’un ‘survey’ sur la sécurité nationale qui devait être réalisé par des experts indiens, suivant une demande faite à son homologue Narendra Modi. Mais en niant qu’il s’agissait d’une tentative de « sniffing » du trafic d’internet. En se contredisant suivant ses démentis initiaux. En se faisant même passer pour un menteur. C’est dire comment il communique mal. Et donne un aperçu du pétrin dans lequel il se retrouve. Il ne peut sortir indemne des allégations de haute trahison dont il fait actuellement l’objet. Tout comme l’affaire Angus Road lui est restée collée à la peau. Sauf que cette fois-ci, il semble avoir franchi la ligne rouge. En trahissant son peuple.

Une trahison que la population ne prendra pas à la légère si elle s’avère. Puisqu’il s’agit d’une violation de ses données personnelles, au profit d’une puissance étrangère. Une accusation, si elle se confirme, dont Pravind Jugnauth aura du mal à se défaire. Pour toute la durée de ce qu’il lui reste de ce mandat. Et même pour son avenir politique. C’est une fin de règne en disgrâce qui l’attend alors. D’autant que son règne en tant que Premier ministre n’a jamais été de tout repos, éclaboussé qu’il l’a été par toute une série de scandales. Face à ce dilemme, il n’a qu’un seul choix : l’usage de la répression policière pour intimider ses adversaires et détourner l’attention pour s’agripper tant bien que mal au pouvoir. Cette répression, l’ancien directeur du GIS et ancien compagnon de Pravind Jugnauth, Rudy Veeramundar, l’a appris à ses dépens, vendredi, quand il a été convoqué au CCID pour s’expliquer sur des fuites d’informations. Sherry Singh en fera aussi les frais. Sans aucun doute. Mais la population oubliera-t-elle l’apparente trahison de Pravind Jugnauth ? That’s the question