Questions à…Covilen Narsinghen, consultant juridique et président du MGD « Maurice n’appartient pas à la famille Jugnauth ! »

  • « Pour traiter ces dossiers de résidence lors de contentieux, il faudrait établir un Tribunal d’immigration ou l’équivalent, en toute indépendance sous la responsabilité du judiciaire, pas du PMO »

Q : Que pensez-vous de l’‘Immigration Bill’ qui a été présenté au Parlement cette semaine ?

En tant que consultant juridique et président de la ‘Mauritius Global Diaspora’ (MGD), je pense que ce projet de loi vise la population mauricienne dans son ensemble. Il faut prendre en compte les trois catégories qui définissent la citoyenneté, acquis à la naissance, par inscription ou par naturalisation. Même si la section 18 (NdlR : ayant trait à la ‘deprivation of status of resident’) de ce projet de loi fait allusion au terme « birth », c’est une pente glissante qui pourrait s’avérer dangereuse, car elle va à l’encontre de la Constitution et des droits internationaux et de la personne.

Q. En d’autres mots, c’est encore une fois une dérive anti-démocratique…

Cela est typique de ce Premier ministre qui a un palmarès hors pair et qui aime s’arroger des pouvoirs princiers. Comme l’indique la section 1 de notre Constitution, Maurice est supposé être un état de droit. Mais dès que l’on se penche sur ce projet de loi, on voit de plus en plus comment ce gouvernement despotque fait main basse sur notre démocratie. La loi est faite pour réguler une société et non de l’oppresser, comme disait Montesquieu. Tous les grands philosophes, d’Aristote, Locke, Dicey, Hayek à Fuller, énoncent ces grands principes du « Rule of law » et le processus formel et procédural sur lequel doit reposer la bonne gouvernance. Depuis les théoriciens médiévaux comme Sir John Fortescue, la loi est un outil pour mitiger le caractère despotique des dirigeants tout puissant, et non une massue pour assommer le peuple.

L’avez-vous vu, au Parlement mardi, répondant à la PNQ du leader de l’Opposition ? C’est comme s’il répondait à une question personnelle alors qu’il doit répondre à la population, qui a le droit de connaître la vérité ! Fidèle à son habitude, ou plutôt sa mauvaise habitude, il se prend pour le propriétaire de la République. Il a le devoir de répondre. Pourtant, il s’offusque et ne répond pas. Mais son visage est comme un livre ouvert, et ses yeux trahissent ses intentions.

Q. Les amendements que pourraient être apportés à la ‘Mauritius Citizenship Act’ sous ce projet de loi donnent lieu à de vives inquiétudes, d’autant qu’il semble donner le pouvoir au Premier ministre de priver toute personne de sa citoyenneté mauricienne. Cela n’est-il pas anticonstitutionnel ?

Nous avons un Premier ministre qui vient de l’avant avec toute une panoplie de projets de loi et amendements taillés sur mesure à des fins autocratiques. Nous en avons témoigné avec l’ICT Act et le ‘Cybercrime Bill’, entre autres. Il fait tout pour bâillonner et oppresser la population. J’ai fait mention de Montesquieu, car très souvent le principe sacro-saint qu’est la séparation des pouvoirs est sauvagement piétiné par ce gouvernement. Je dis cela car voici un Premier ministre qui veut s’arroger des pouvoir princiers et révoquer les droits de résidence des gens. L’île Maurice n’appartient pas à la famille Jugnauth ! L’état mauricien n’est pas Angus Road. Pour traiter ces dossiers de résidence lors de contentieux, il faudrait, comme dans beaucoup de pays, établir un Tribunal d’immigration ou l’équivalent, en toute indépendance sous la responsabilité du judiciaire, pas du PMO.