Quincaillerie, bijouterie, hôtel et maintenant…Jackpot de Rs 70 millions pour le directeur d’une compagnie de sécurité proche du MSM

Achat de Molnupiravir : Vol au détriment de l’État et du peuple

  • « Pe coquin l’argent lepep », s’insurge l’opposition qui réclame la démission ou révocation immédiate du ministre de la Santé

Le leader de l’opposition a soulevé un autre lièvre au Parlement, vendredi. Et celui-là est encore plus ahurissant puisqu’il concerne un jackpot de Rs 70 millions à un proche du MSM sur le dos de l’État et des contribuables. « Un scandale d’une ampleur jamais vue », s’indigne Xavier Duval. Il est rejoint unanimement par les autres députés de l’opposition. « Pour moins que ça, Yogida Sawmynaden a dû démissionner », martèle Patrick Assirvaden alors qu’Arvin Boolell réclame la démission immédiate de Kailesh Jagutpal.

L’affaire concerne l’achat des tablettes de Molnupiravir de 200 mg pour le traitement des patients atteints de la Covid-19. La veille d’ailleurs, soit jeudi soir, le Premier ministre Pravind Jugnauth s’était enorgueilli du fait que le gouvernement avait déjà fait l’acquisition d’un million de ces médicaments. Pas plus tard que le lendemain, la vérité sur les dessous de cette affaire devait éclater au grand jour lors de la PNQ, mettant K.O le ministre de la Santé qui tentait vainement de retenir des informations pendant que Xavier Duval s’efforçait par tous les moyens de lui tirer les vers du nez. « It’s a question of availability », s’est défendu maladroitement le Dr Kailesh Jagutpal. Une couleuvre difficile à faire avaler à la population.

L’utilisation du Molnupiravir, soulignons-le, avait été approuvée depuis le début de novembre 2021. Le ministre de la Santé l’avait d’ailleurs confirmé au Parlement le 9 novembre. Ce n’est toutefois que le 25 novembre, soit 16 jours après cette annonce, qu’un ‘restricted bidding’ a été lancé par le ministère de la Santé pour l’achat de ces médicaments. Selon Xavier Duval, les intéressés ne disposaient que de 24h pour soumettre leurs offres. Celles-ci, soit quatre au total, ont été effectivement reçues le 26 novembre. Néanmoins, le contrat n’a été alloué que le 6 décembre 2021.

La « Mauritius Pharmacy (Seegobin) Ltd », comptant au moins 86 ans dans le domaine pharmaceutique, a ainsi été informée que son offre d’un montant total de Rs 7 446 000 pour la fourniture de 800 000 tablettes, à raison de Rs 9.30/ l’unité, a été retenue. « The shelf life should not be less than 18 months’ duration as from the date of receipt on our premises », précise la « letter of award », signée par le Dr. S. Ramasawmy. La livraison était prévue dans une quinzaine de jours suivant l’émission de la « letter of award ».

De Rs 9.30 à Rs 79.92 en 24h

Le lendemain de cette première « letter of award », soit le 7 décembre, c’est-à-dire bien après la date limite du ‘restricted bidding’, le ministère de la Santé devait recevoir un ‘unsolicited bid’ de la compagnie « CPN Distributors Ltd », incorporée le 31 mars 2017, pour la fourniture de 999 000 tablettes de Molnupiravir au coût total de Rs 79 840 080. Ce qui sous-entend que le prix d’une de ces tablettes est de … Rs 79.92 ! Cela alors que le ministère en a acheté, la veille, à Rs 9.30/ l’unité. Là où le bât blesse, c’est que le ministère de la Santé a sauté sur cette occasion, en acceptant cet ‘unsolicited bid’, donc illégal, en quatrième vitesse le même jour alors que le prix est supérieur par Rs 70.62, totalisant Rs 70 620 000 de plus que l’offre approuvée la veille. De plus, le stock que cette compagnie devait livrer n’avait qu’une ‘shelf life’ de 7 mois alors que la livraison des médicaments devait être effectuée dans 1 à 3 jours suivant la « letter of intent ».

Le hic, selon Xavier Duval, c’est qu’il faut un permis spécial du ministère pour pouvoir importer le Molnupiravir. « Bane compagnies pe gayn tiguit nombre pou importer », précise le leader de l’Opposition. Comme par miracle, « CPN Distributors Ltd » en avait un million en stock alors que cette compagnie n’a jamais fourni de médicaments au ministère de la Santé auparavant. « Ki manière ene compagnie nouveau sur la place ine gayn pou importe ene million. Pas fer nou croire li pa ti ena inside information. Pas prend nou pou couyon Kailesh Jagutpal », prévient-il. « Kifer pa ti kapave atan enkor 10 jours pou gagne médicaments la alors ki cas pe baisser au lieu paye Rs 70 millions en plus ? » s’interroge Xavier Duval.

Responsabilité du SCE engagée à 1000 %

Outre la responsabilité collective du gouvernement, le leader de l’Opposition tient également le ‘Senior Chief Executive’ (SCE) responsable pour ce scandale. « So responsabilité engagée à 1000 % », insiste-t-il, en s’appuyant sur le « Public Procurement (Amendment) Regulations 2021 » et du « GN No. 280 of 2021 ». Xavier Duval déplore que la « Mauritius Pharmacy (Seegobin) Ltd » n’a pas été approchée pour voir si elle peut fournir un stock additionnel du Molnupiravir, conformément aux dispositions de ces nouveaux règlements approuvés par le Conseil des ministres. « CPN Distributors Ltd », ajoute-t-il, ne peut pas être considéré comme un « trusted supplier ».

Partisan du MSM

« CPN Distributors Ltd » est dirigée par Jay Kumar Chuttoo, plus connu comme Akash Chuttoo. Celui-ci est également directeur de RSL Security Services. Il est également à la tête d’‘Admiralty Media’, une compagnie qui avait postulé pour obtenir une licence radio en 2018. Akash Chuttoo serait, selon Patrick Assirvaden, un agent notoire du MSM à Montagne Longue.

Arvin Boolell : « Pas l’argent Sun Trust sa »

Le PTr dénonce avec force ce nouveau scandale. « Pas l’argent Sun Trust sa », lance le Dr Arvin Boolell qui tient aussi le Premier ministre responsable de cette situation. « Si Kailesh Jagutpal pa démissionner, Premier ministre bizin révoque li », tonne-t-il, en réclamant une enquête. Patrick Assirvaden trouve inacceptable que certains « pe dévalise sa pays la alors ki dimoune pe mort par centaines tous les semaines ». « Eski ena connivence pou coquin lepep ? Pou moins que ça, Yogida Sawmynaden ti bizin démissionner akoz STC. Kifer pe coquin l’argent lepep kumsa », s’insurge le député travailliste du no.15.

Hyperpharm aussi de la partie

Hyperpharm Ltd, qui avait fait couler beaucoup d’encre durant le précédent scandale d’achat de médicaments en mars 2020, semble être toujours dans les bons papiers du gouvernement. Cette compagnie appartenant à un autre agent notoire du MSM a, semble-t-il, également bénéficié d’un contrat pour la fourniture de Molnupiravir. Elle en aurait fourni au moins 1, 2 millions de ces tablettes au ministère de la Santé, vendredi. 

Condition enfreinte ?

La « letter of award » et l’offre soumise au ministère de la Santé constituent un « binding agreement » entre les deux parties. Dans la « letter of award » attribuée à « CPN Distributors Ltd » , une des conditions imposée est que « all primary and secondary packaging materials should bear the label ‘MOH & W – NOT FOR SALE’ ». Or, selon une tablette, produite par Optimus Pharma Pvt Ltd et importée et livrée au ministère de la Santé par « CPN Distributors Ltd » qu’un patient a reçue dans un hôpital en fin de semaine ne précisait pas « NOT FOR SALE ».  S’agit-il d’une infraction au contrat ? 

Rama Valayden consigne une déposition

Rama Valayden a consigné une déposition à l’ADSU hier matin. Preuves à l’appui, il a révélé que des médicaments destinés à être utilisés dans le service de santé publique ont retrouvé leur chemin dans certaines pharmacies où ils sont mis en vente. Une capture d’écran d’un message faisant état des détails liés à une livraison en particulier a été remise aux enquêteurs.