Triple naufrage en un jour : ZÉRO leçon post-Wakashio !

Après l’échouage de trois chalutiers au large de Pointe-aux-Sables et de Bain-des-Dames, la question sur toutes les lèvres : allons-nous vers un autre désastre écologique, comme c’était le cas lors de l’échouage du MV Wakashio en 2020 ? Et quel est la part de responsabilité des autorités dans cette affaire ? Le point avec l’océanographe Vassen Kaupaymuthoo et Sunil Dwarkasing, stratège environnemental de Greenpeace.

Un bateau taiwanais, le Wen Hang Dar, s’était échoué au large de Pointe-aux-Sables dans la soirée du mardi 22 février. Dès le lendemain, mercredi 23 février, deux autres chalutiers, le Foo Man Yu Feng et le Foo Man Yu Meng se sont eux aussi échoués sur un banc de sable au large de Bain-des-Dames. Trois naufrages en un jour, c’est du jamais vu à Maurice !

L’océanographe Vassen Kaupaymuthoo soutient que l’échouement de ces navires est un risque potentiel énorme en ce qui concerne notre environnement marin. Il souligne que ces trois bateaux sont des vieux chalutiers qui contiennent du fioul. Le premier bateau taïwanais contenait 80 tonnes de fioul et que les deux autres chalutiers contenaient chacun 20 tonnes de fioul, ce qui fait un total d’environ 120 tonnes de fioul.

Vassen Kaupaymuthoo explique que ce n’est pas uniquement le fioul dans ces bateaux qui pourra affecter l’environnement marin mais la peinture qui a été utilisée pour protéger le bateau de la moisissure pose également un danger. « Il est fort probable que nous allons vivre un désastre écologique, tout comme pour le Wakashio en 2020 », dit-il. Selon lui, nous n’avons pas tiré de leçons après le naufrage de ce vraquier. « C’est triste que nous n’ayons pas pu apprendre de nos erreurs et que le même désastre se répète, tout comme pour le MV Wakashio. »

L’océanographe déplore l’incompétence du gouvernement et la vulnérabilité de l’île face à une telle situation. Le pire, selon lui, c’est que ces trois chalutiers se sont échoués juste en face du port, où sont basés la ‘Mauritius Ports Authority’ (MPA) et la ‘National Coast Guard’ (NCG), qui sont censés surveiller les bateaux qui entrent dans les eaux territoriales de Maurice. Selon lui, ceux qui sont responsables de notre sécurité maritime ne peuvent s’acquitter de leurs tâches. Il déplore le manque de coordination et le manque de vigilance de la part des autorités, notamment la MPA et la NCG. « C’est une preuve de l’échec de la gestion de notre sécurité maritime. Or, cela pourrait avoir un grave impact sur notre environnent », dit-il.

Il s’est aussi accentué sur le fait que des vieux chalutiers sont autorisés dans les eaux territoriales de Maurice. Il demande à ce que le gouvernement se penche sur cet aspect de la situation car de tels bateaux de pêche ne sont pas acceptés dans d’autres ports, que ce soit en Europe ou en Amérique. « Comment se fait-il alors que Maurice accepte ces vieux rafiots ? », se demande-t-il. Selon lui, il faut prendre en considération la condition d’un bateau avant de l’autoriser à entrer dans notre zone maritime. « De ce fait, les autorités doivent être bien plus vigilants. Il leur avoir une vision d’ensemble sur ce qui se passe dans nos eaux », dit-il.

« Tout cela aurait pu être évité »

Sunil Dwarkasing, stratège environnemental de Greenpeace, estime que nous n’aurons pas une situation de l’ampleur du Wakashio mais nous allons quand même subir quelque part un désastre vu les dizaines de tonnes de fioul que ces bateaux contiennent.

Il maintient toutefois que tout cela aurait pu être évité. Il pointe du doigt la NCG qui est censé surveiller la situation lorsqu’un vraquier ou autre navire est en perdition près d’un récif. Les garde-côtes doivent guider le capitaine pour que son bateau ne se retrouve pas en difficulté. Selon lui, il faudra aussi mettre sur pied un système de guidage pour que ces bateaux de pêche puissent naviguer avec le minimum de risques. Il se demande si nous avons même un tel système dans le pays. « Ce n’est pas possible que trois bateaux de pêche se sont échoués sur les récifs », lance-t-il.

Il rejoint Vassen Kaupaymuthoo dans son analyse à l’effet qu’aucune leçon n’a été tirée après le naufrage du MV Wakashio. « C’est la conclusion qui s’impose », dit-il. « Nous avons laissé passer une occasion en or pour démontrer nos compétences en ce qui concerne la gestion d’une marée noire », dit-il. Il déplore un manque de transparence de la part des autorités concernées, qui ne sont jamais à l’écoute des propositions des autres et dénonce, dans la même foulée, les lacunes du gouvernement, qui ont permis à ce désastre d’arriver.

Où est passé le ‘Contingency Plan’ ?

Pour lui, il y a eu un manque de « response » de la part des autorités. Il se penche encore une fois sur l’absence apparente d’un quelconque ‘Preparedness Plan’ de la part des autorités lorsqu’un chalutier s’échoue sur nos récifs. « Ce genre de plan est nécessaire car il y a très peu de temps pour réagir face à telle situation », affirme-t-il. Il se demande si le ‘Contingency Plan’ en cas de ‘Oil Spill’ a encore une fois été mis dans un tiroir.

Il dénonce aussi le fait que le port n’est pas très bien équipé à ce jour pour pouvoir faire face à ce genre de problème. Il se pose la question, « Où sont passé les $12 millions de fonds qui ont été alloués par les Nations-Unies pour équiper le port en cas de marée noire ? »

Il s’interroge sur le rôle des officiers qui avaient suivi des formations pour pouvoir contenir les marées noires. Il se demande aussi s’il y a un répertoire de ces personnes pour que nous puissions faire appel à eux dans des situations similaires. « Pourquoi n’utilise-t-on pas les compétences de ces personnes ? », se demande-t-il.

Il nous explique aussi que selon plusieurs études qui ont effectués par des chercheurs de l’Université de Maurice, le sable et la terre de Bain-des-Dames et de Pointe-aux-Sables sont contaminés par du fioul vu la présence de nombreux navires dans les parages. « Nous avons là un autre drame qui est venu s’ajouter sur cette partie du littoral qui est déjà contaminée par de multiples échouements. Le plus grave, c’est que les autorités ne semblent pas s’émouvoir face à cette situation », fustige-t-il.

Pour résumer, Sunil Dwarkasing maintient que « c’est une faillite totale de la part du gouvernement, qui encore une fois, a pris trop de temps pour réagir. Il est grand temps que les autorités mettent de l’ordre en ce qui concerne leur organisation. »