[Interview] Me. Richard Rault: « Anse-La-Raie fait partie des malheureux 14, 5% du littoral qui sont encore accessible au public »

Il habite dans la région d’Anse-La-Raie et ne veut pas que le patrimoine et l’écologie de cet endroit soient compromis en raison d’un développement touristique. Me. Richard Rault est de ceux qui se battent contre le masterplan du gouvernement à travers le collectif « Pas Tous Nou Anse-La-Raie ». Il nous explique sa position…

Propos recueillis par Zahirah RADHA

Q : Vous attendiez-vous à ce que le promoteur Avinash Gopee se rétracte du projet de développement touristique à Anse-La-Raie ?

Non, mais nous avions foi dans la validité de not but. Nous nous sommes opposés à ce projet, vu l’immense tort qu’il allait causer à l’écologie de la région, et la perte qu’il aurait représenté pour les vacanciers et les habitants de l’endroit. Nous éprouvions aussi une crainte légitime pour l’avenir du Youth Centre qui a permis à plusieurs générations d’enfants défavorisés le plaisir d’avoir accès à la plage et de passer un séjour au bord de la mer.

Que le promoteur ait renoncé au projet, c’est pour le collectif une victoire qu’on apprécie à sa juste valeur. Ceci dit, le danger n’a pas encore été écarté, surtout si le gouvernement compte toujours maintenir le masterplan. Selon le Government Notice (GN) 1253 de 2019, la surface de la plage a été réduite de 7, 5 hectares alors que le masterplan porte sur une surface globale d’une centaine d’arpents, comprenant le Youth Centre, le débarcadère des pêcheurs à St-François – Calodyne, le campement du Gouverneur, la plage publique et la zone que les habitants de l’endroit appellent Mare-La-Raie, à côté du Paradise Cove Hotel.

Q : Pourquoi parlez-vous d’écologie en danger ?

Cette zone est très importante puisqu’elle compte des mangroves qui servent à la reproduction des alevins, ainsi que des sites de migration pour des oiseaux migrateurs. Ceux-ci arrivent en grand nombre à partir de septembre et allant jusqu’aux mois de février et mars. Le site sert également de reproduction pour des huîtres spéciales connues comme « Écailles d’Argent » et d’autres espèces qui ont été identifiées par l’ONG Reef Conservation.

Q : N’y a-t-il eu donc eu aucune étude ou consultation avant l’élaboration de ce projet ?

Il n’y en a rien eu ! Point de consultation pour déproclamer cette partie de la plage. Et point de consultation avant qu’on n’attribue une lettre de réservation au promoteur. D’où la levée de boucliers des habitants des régions de St. François – Calodyne, Petit-Raffray et Goodlands entre autres, pour montrer leur opposition au projet.

La plage publique d’Anse-La-Raie fait partie des quelque malheureux 14, 5% du littoral qui sont encore accessible au grand public. Le reste est occupé par des propriétés privées, des hôtels ou encore le port. Du coup, on se sent exclu de notre propre patrimoine.

Q : Mais Avinash Gopee affirme qu’il y a bien eu des consultations et regrette que ce sont les habitants qui soient les grands perdants car ce développement aurait créé 500 emplois directs et indirects. Ment-il alors ?

De quels habitants parle-t-il ? Est-il venu pour parler à quelques personnes qui l’ont écouté tranquillement ? En tout cas, ce n’est pas du tout ce qu’on entend dans la région, ou lorsque des dévots se sont rendus à la plage à l’occasion du Ganga Asnan, lundi. Les habitants ne veulent pas perdre ce qui leur appartient. Pourquoi ces promoteurs s’entêtent-ils à vouloir prendre ce qui est dans le domaine public ? Pourquoi n’achètent-ils pas des terres qui appartiennent au domaine privé ?

Q : Il a aussi tenté de tout mettre sur le dos des dirigeants du PTr, en parlant d’acharnement à son encontre. Qu’en pensez-vous ?

Je suis étonné de voir qu’il soit à ce point tombé dans la démagogie. S’il ne faisait face qu’à l’opposition d’un parti politique, il aurait dû tout simplement faire valoir son bon droit. Or, il est clair qu’il devait parcourir un chemin parsemé d’embûches, avec la vague de contestations venant des forces vives, des pêcheurs, et des habitants de l’endroit et des régions avoisinantes, entre autres.

Q : Vous comptez donc maintenir la pression sur le gouvernement en ce qu’il s’agit du masterplan ?

Il est d’intérêt public qu’il y ait des éclaircissements sur le masterplan. Je m’étonne qu’une lettre de réservation ait été accordée bien que le masterplan n’était à priori pas encore prêt. C’est ce qui ressort de la réponse parlementaire du ministre Deepak Balgobin, qui assurait la suppléance en l’absence du ministre des Terres et du logement, Steven Obeegadoo, le 17 octobre dernier. Or, le 24 octobre, le ministre Obeegadoo venait, lui, confirmer qu’une lettre de réservation sur 50 arpents avait été accordée, alors que le masterplan n’était pas prêt, selon ce qu’avait dit le ministre Balgobin une semaine plus tôt, et sans qu’il n’y ait des consultations avec les habitants de l’endroit. Tout cela a été fait pour privilégier M. Gopee au détriment du grand public.

Q : What next ?

Une pétition est en circulation aussi bien en ligne que physique.  On vise à obtenir le maximum de signatures possibles. En moins d’une semaine, nous avons déjà recueilli 2 200 signatures rien qu’en ligne. Nous nous attendons évidemment à ce que le nombre augmente de façon significative.

Nous souhaitons, par ailleurs, que les autorités fassent des pré-consultations avant que le masterplan ne soit dévoilé. Sinon, nous irons de l’avant avec notre contestation. Aujourd’hui, c’est Anse-La-Raie, Roches-Noires, Pomponette, et demain ce sera d’autres plages. L’accès aux plages sera une question centrale lors des prochaines échéances électorales.